Les tensions s’intensifient autour du Sahara Occidental avec l’introduction d’un projet de loi au Congrès américain, le H.R. 4119, visant à désigner le Front Polisario comme organisation terroriste étrangère.
Synthèse Samir MÉHALLA
Cette initiative, portée par les représentants Joe Wilson (Républicain) et Jimmy Panetta (Démocrate), suscite une vive opposition de la part d’organisations non gouvernementales, dont le Global Monitoring Center (GMC), qui alerte sur les graves implications d’une telle décision.
Le 24 juin 2025, le H.R. 4119 a été présenté, arguant que le Front Polisario est une «milice marxiste soutenue par l’Iran, le Hezbollah et la Russie, offrant à l’Iran un avant-poste stratégique en Afrique et déstabilisant le Royaume du Maroc». Le Global Monitoring Center, dans une lettre ouverte adressée au sénateur Charles E. Schumer, réfute catégoriquement ces affirmations, les qualifiant d’«inexactes et trompeuses».
Le GMC insiste sur le fait que le Front Polisario est un mouvement de libération nationale reconnu par les Nations Unies comme le représentant légitime du peuple sahraoui. Ni l’ONU, ni l’Union africaine, ni aucune autre autorité juridique internationale crédible ne l’a classé comme groupe terroriste. Pour le GMC, la désignation proposée par le H.R. 4119 est «sans fondement factuel» et menace de délégitimer une lutte pacifique pour l’autodétermination, en accord avec le droit international.
Le Front Polisario : Un historique sans lien terroriste
Le Global Monitoring Center souligne plusieurs points clés pour contester la légitimité du projet de loi :
– Absence d’antécédents terroristes : En près de 50 ans d’existence, le Front Polisario n’a jamais été impliqué dans des activités terroristes, n’ayant mené aucune attaque contre des civils et n’ayant aucun lien avéré avec des factions extrémistes. Le GMC dénonce la «désinformation» diffusée par les autorités Makhzen à ce sujet.
– Reconnaissance internationale légitime : Fondé en 1973 pour mettre fin à la domination coloniale au Sahara Occidental, le Polisario et la République arabe sahraouie démocratique (RASD) sont reconnus par l’Assemblée générale des Nations Unies et l’Union africaine. La RASD est d’ailleurs membre à part entière de l’Union africaine, une reconnaissance incompatible avec une qualification de groupe terroriste.
– Allégations non fondées de liens extrémistes : Les accusations de liens avec l’Iran, le Hezbollah ou d’autres acteurs extrémistes sont jugées «sans fondement». Des figures comme l’ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, John Bolton, ont qualifié ces allégations de «propagande» visant à masquer l’obstruction marocaine à un référendum de paix. Les rapports du Département d’État américain n’ont jamais trouvé de preuves d’idéologies extrémistes au sein du Polisario.
– Modération et ouverture : Le peuple sahraoui et la direction du Polisario sont réputés pour leur modération, leurs valeurs laïques et progressistes. Les camps de réfugiés sahraouis en Algérie, administrés par le Polisario, accueillent librement des organisations d’aide internationales, y compris américaines et confessionnelles, un signe de leur ouverture et non d’extrémisme.
– Engagement envers le droit international : Le Front Polisario a ratifié les Conventions de Genève et leurs protocoles, ainsi que la Convention de l’Union africaine sur la lutte contre le terrorisme. Son bras militaire, l’Armée de libération populaire sahraouie, respecte le droit international humanitaire, menant des opérations défensives sans cibler les civils.
Le Global Monitoring Center replace le débat dans le contexte plus large du conflit au Sahara Occidental, la dernière colonie d’Afrique. Le Maroc a annexé illégalement le territoire en 1975, malgré un avis consultatif de la Cour internationale de justice confirmant l’absence de liens de souveraineté et le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.
Depuis des décennies, le Makhzen a empêché la tenue du référendum d’indépendance promis par l’ONU. Parallèlement, des organisations de défense des droits humains comme Amnesty International et Human Rights Watch ont documenté des violations persistantes des droits humains dans les zones occupées par le Maroc : arrestations arbitraires, tortures, disparitions forcées et répression violente de manifestations pacifiques. Le Maroc a même empêché la mission de maintien de la paix de l’ONU (MINURSO) de surveiller les droits humains au Sahara Occidental.
Pour le GMC, la tentative de qualifier le Polisario de «terroriste» est une manœuvre cynique du Makhzen et de ses lobbies pour «inverser la narration» et détourner l’attention de leurs propres violations et de l’occupation.
Des conséquences désastreuses pour la paix et l’aide humanitaire
Le Global Monitoring Center met en garde contre les répercussions profondes et négatives si le H.R. 4119 venait à être adopté :
– Saper les efforts de paix : La désignation du Polisario comme terroriste ruinerait la diplomatie américaine et le processus de paix de l’ONU, détruisant la crédibilité des États-Unis en tant que médiateur et risquant d’aggraver le conflit. L’ancien ambassadeur John Bolton a d’ailleurs averti qu’une mauvaise gestion du dossier sahraoui pourrait créer des opportunités pour les rivaux de l’Amérique (Chine, Russie, Iran) en Afrique.
– Conséquences humanitaires : Le Polisario administre des camps de réfugiés abritant plus de 170 000 civils sahraouis. La désignation terroriste criminaliserait les interactions et transactions nécessaires à leur survie, rendant difficile pour les organisations humanitaires de fournir une aide vitale et menaçant de paralyser l’accès à la nourriture, aux médicaments et à l’assistance.
– Trahison des valeurs américaines et du droit international : Le projet de loi irait à l’encontre des principes américains de soutien à la liberté et à l’autodétermination, en alignant les États-Unis sur l’agenda expansionniste du Maroc et en les isolant diplomatiquement en Afrique.
Le Global Monitoring Center qualifie le H.R. 4119 de «profondément erroné et contre-productif». L’organisation exhorte le Congrès à aborder cette question avec prudence et intégrité, en menant un «examen approfondi et fondé sur des preuves» des conséquences potentielles. Le GMC appelle à un soutien renouvelé aux négociations menées par l’ONU et à une attention accrue aux causes profondes de l’instabilité au Sahara Occidental : l’absence d’un référendum libre et équitable et les violations des droits humains sous occupation marocaine.
Rejeter cette «fausse et dangereuse étiquette de ‘terroriste’« pour le Front Polisario serait, selon le Global Monitoring Center, une réaffirmation de l’engagement des États-Unis envers le droit international, la justice et la résolution pacifique des conflits, tout en préservant leur crédibilité sur la scène mondiale.
S.M.
									 
					