La réintroduction de la peine de mort, même limitée à certains crimes, illustre la volonté des autorités de répondre aux attentes de la société et de rétablir un sentiment de sécurité dans un contexte de recrudescence de la violence.
L’Algérie a surpris l’opinion publique lundi en annonçant la reprise de l’application de la peine de mort pour certains crimes graves, mettant fin à une suspension qui durait depuis 32 ans. Cette décision, largement commentée dans tout le pays, intervient dans un contexte de montée inquiétante des crimes violents, d’enlèvements et de meurtres d’enfants, suscitant des revendications populaires et politiques de plus en plus pressantes.
Le procureur général près le tribunal de Béjaïa, Mostafa Semati, a précisé lors de l’ouverture de l’année judiciaire que la peine capitale serait désormais appliquée aux auteurs d’enlèvements d’enfants et de trafic de drogue dans les établissements scolaires. «Une mesure confirmée par le président Abdelmadjid Tebboune, qui avait promis ce rétablissement la veille, lors de la cérémonie d’ouverture à la Cour suprême».
Le Parlement avait, dès juillet dernier, adopté deux lois permettant cette application ciblée de la peine de mort, dans l’objectif de renforcer l’effet dissuasif et de protéger la société. Ces textes législatifs répondent à une recrudescence alarmante des cas d’enlèvements, de violences avec mise à mort et mutilation de cadavres, ainsi qu’à la montée des réseaux de trafic de drogue et de viols. Face à cette vague d’horreur, de nombreuses voix de la société civile et du monde politique avaient réclamé des sanctions exemplaires, estimant que seule la peine capitale pouvait restaurer l’ordre et dissuader les criminels.
Pression populaire accrue
La pression sociale et politique en faveur du rétablissement de la peine capitale s’est intensifiée ces derniers mois. Les réactions ont été particulièrement vives après la découverte récente des corps d’une fillette à Constantine et d’un garçon dans la wilaya de Chlef, tous deux victimes d’enlèvements suivis de mutilations. L’indignation nationale a encore été ravivée par la diffusion d’une vidéo montrant un groupe de criminels attaquant une personne avec des armes blanches dans une maison (Affaire de Hicham El Wahrani ndlr), une scène d’une violence inouïe qui a choqué les Algériens.
Depuis mai, les autorités avaient laissé entrevoir cette orientation. Le ministre de la Justice, Lotfi Bougmaâ, avait expliqué devant les députés que «l’Algérie, en tant qu’État souverain, peut prendre toute décision pour lutter contre la criminalité selon la perspective qu’elle juge appropriée». Il avait également averti : «La situation est grave, il y a une guerre contre l’Algérie, avec une forte propagation de la drogue et des crimes, mais le glaive de la justice frappera et tranchera les têtes de ces bandes.» Une rhétorique ferme qui traduit la détermination du gouvernement à restaurer la sécurité publique.
L’Algérie avait suspendu l’exécution des peines de mort depuis 1993, après l’exécution controversée de membres du Front islamique du salut impliqués dans l’attentat contre l’aéroport d’Alger en 1992. Depuis, les peines de mort ont continué à être prononcées pour des affaires de terrorisme, sans exécution effective, tandis qu’un courant de défense des droits humains revendiquait leur abolition totale. Le Code pénal algérien, cependant, n’a jamais abrogé la peine de mort, permettant aux juges de continuer à la prononcer dans leurs sentences.
Selon l’article 27 du Code pénal, la classification des crimes repose sur la gravité de l’infraction, avec trois catégories principales : crimes, délits et contraventions. Les peines principales pour les crimes comprennent la peine de mort, la réclusion à perpétuité et la réclusion temporaire, dont la durée varie entre cinq et vingt ans. Cette structure légale reflète le principe fondamental selon lequel la sanction doit correspondre à la gravité du crime.
La réintroduction de la peine de mort, même limitée à certains crimes, illustre la volonté des autorités de répondre aux attentes de la société et de rétablir un sentiment de sécurité dans un contexte de recrudescence de la violence. Elle marque un tournant dans la lutte contre la criminalité, en envoyant un message clair aux réseaux criminels et aux auteurs d’actes odieux. Reste à savoir si cette mesure, aussi radicale soit-elle, suffira à enrayer durablement un phénomène qui ne cesse d’inquiéter la population. Entre impératif de sécurité et respect des droits humains, l’Algérie semble aujourd’hui décidée à privilégier la fermeté, au nom de la protection des innocents et de la stabilité sociale.
Assia M.