À l’heure où les conflits se multiplient et où les tensions géopolitiques s’exacerbent, une interrogation s’impose : que reste-t-il du droit international ?
Par R. Malek
De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer son instrumentalisation par les grandes puissances, à travers notamment l’usage du veto au Conseil de sécurité, les sanctions sélectives et les interventions militaires unilatérales. Une dérive qui ébranle la légitimité même du système multilatéral.
Le veto : arme de paralysie diplomatique
Initialement conçu comme un garde-fou garantissant un équilibre entre les grandes puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale, le droit de veto, détenu par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni), est aujourd’hui perçu comme un instrument d’obstruction.
Les exemples sont nombreux : les États-Unis ont plusieurs fois bloqué des résolutions appelant à un cessez-le-feu à Gaza, malgré un soutien massif au sein de l’Assemblée générale. Le veto, loin de protéger la paix, devient un outil de blocage au service d’intérêts géopolitiques. Il ne s’agit plus de sécurité collective, mais d’un privilège ancré dans une logique de puissance.
Des sanctions à géométrie variable
Autre source majeure de critique : les sanctions internationales, souvent appliquées selon des critères à deux vitesses. Tandis que l’Iran, la Russie ou encore le Venezuela font l’objet de mesures sévères pour des motifs invoquant la souveraineté ou les droits humains, l’entité sioniste est systématiquement épargnée, même face à des accusations graves de crimes contre les civils palestiniens.
Ce double standard alimente une défiance croissante, notamment dans les pays du Sud global, qui dénoncent une justice internationale sélective, perçue comme un prolongement des intérêts occidentaux. Les sanctions ne sont plus perçues comme des leviers de dissuasion ou de justice, mais comme des instruments de coercition politique.
Le recours à la force sans mandat : la loi du plus fort
Le non-respect du cadre onusien dans les interventions armées marque une autre entorse grave au droit international. En 2003, les États-Unis et le Royaume-Uni ont envahi l’Irak sans mandat du Conseil de sécurité, invoquant des armes de destruction massive qui ne furent jamais trouvées. En 2011, l’intervention en Libye, autorisée pour protéger les civils, a rapidement dérivé en opération de changement de régime.
En Syrie, les frappes menées unilatéralement au nom de la lutte contre le terrorisme ou de la légitime défense ont contourné le droit international. Tout récemment, les bombardements ciblés des installations nucléaires iraniennes par les États-Unis et l’entité sioniste sont venus rappeler l’absence de toute retenue juridique.
Le cas du Sahara occidental illustre également cette dérive. Créée par la résolution 690 du 29 avril 1991, la mission de l’ONU chargée de l’organisation d’un référendum d’autodétermination, voit son mandat constamment vidé de substance, en raison du soutien indéfectible de la France et des États-Unis au Maroc.
L’urgence d’une réforme du système onusien
Devant ces dérives, les appels à une réforme en profondeur du système des Nations unies se multiplient. Le veto est dénoncé comme une relique antidémocratique. Le Conseil de sécurité est critiqué pour son manque de représentativité face aux réalités géopolitiques du XXIe siècle.
Parmi les pistes avancées : l’élargissement du Conseil, la restriction du droit de veto en cas de crimes de masse, ou encore le renforcement du rôle de l’Assemblée générale. Pour de nombreux pays du Sud, il en va d’une reconquête de leur souveraineté juridique.
Sans réforme, l’ordre international court le risque de sombrer dans un déséquilibre durable, où la loi du plus fort supplante les principes fondamentaux du droit.
Le droit international a été pensé pour prévenir les conflits, protéger les populations et encadrer les relations interétatiques. Aujourd’hui, il apparaît affaibli, souvent contourné, et parfois cyniquement utilisé.
Si l’ONU veut préserver sa légitimité, elle doit incarner l’universalité du droit, non celle d’un rapport de force déguisé. À défaut, le monde pourrait basculer dans une ère post-légale, où règneront l’impunité, la brutalité et l’injustice.
R.M.
									 
					