À la veille de la niche parlementaire du Rassemblement national, prévue aujourd’hui, la question des accords franco-algériens de 1968 sur la circulation et le séjour des ressortissants algériens refait surface dans le débat politique français.
Derrière l’initiative de l’extrême-droite, c’est toute la droite française qui semble vouloir rouvrir un dossier hautement sensible, symbole d’une relation bilatérale souvent passionnelle et rarement apaisée. Le président de l’Union des droites, Éric Ciotti, a donné le ton en affirmant sur TF1 : «Chacun devra prendre ses responsabilités». Le texte déposé par le député RN Guillaume Bigot vise à «dénoncer un déséquilibre déconcertant» entre les avantages accordés aux ressortissants algériens et le faible taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), évalué à 4,4 %. Pour ses promoteurs, il s’agirait de «revenir à un régime de droit commun» et de «normaliser la relation diplomatique franco-algérienne».
Ce débat n’est pas nouveau. L’accord, signé en 1968, six ans après la fin de la guerre d’Algérie, avait été conclu dans un contexte de reconstruction économique : la France, alors en pleine croissance, avait besoin de main-d’œuvre. Ce texte accordait des facilités administratives aux Algériens, notamment un accès simplifié aux titres de séjour de dix ans. Mais plus d’un demi-siècle plus tard, certains parlementaires estiment que ce cadre n’est plus adapté à la réalité migratoire actuelle. Un récent rapport parlementaire, rédigé par deux députés macronistes, chiffre le «coût» de cet accord à environ deux milliards d’euros par an, tout en soulignant «l’absence de contrepartie» d’Alger. Pour autant, la proposition du Rassemblement national n’a aucune portée législative : une résolution ne lie pas le gouvernement. Elle traduit néanmoins une tendance lourde du discours politique français, où l’immigration algérienne reste un sujet instrumentalisé. Le ministre de l’Intérieur Laurent Nunez a d’ailleurs rappelé que la remise en cause de l’accord «n’est pas à l’ordre du jour», estimant qu’il «fonctionne, même s’il n’est pas parfait». Une position à rebours de celle de son prédécesseur Bruno Retailleau, qui jugeait cet accord «exorbitant» et promettait de l’abroger en cas d’alternance.
Des discours incendiaires
Dans ce climat déjà tendu, Éric Zemmour a ajouté sa voix, accusant le gouvernement algérien de mener «une guerre par l’immigration» et d’ «organiser l’invasion» du territoire français. Des propos incendiaires, sans fondement vérifiable, qui participent à nourrir un discours de défiance vis-à-vis d’Alger. Face à cette surenchère politique, la position algérienne demeure constante. Alger considère les accords de 1968 comme le cadre juridique bilatéral garantissant un traitement spécifique issu de l’histoire et des liens humains entre les deux pays. Les autorités algériennes rappellent que la coopération migratoire ne peut être efficace que dans un climat de respect mutuel, et non sous la menace d’une dénonciation unilatérale.
L’Algérie refuse par ailleurs d’être réduite à un simple «fournisseur de migrants», soulignant que les flux migratoires sont un phénomène global qui exige des approches concertées, loin des postures électoralistes. La diplomatie algérienne, souvent silencieuse face aux polémiques françaises, n’en reste pas moins vigilante. Elle a déjà rappelé que toute révision de l’accord devrait se faire par voie de négociation, dans le respect de la souveraineté des deux États. Pour Alger, la question migratoire ne saurait être séparée des autres volets du partenariat bilatéral — économique, sécuritaire et mémoriel. En relançant ce débat à la veille d’une période de crispations politiques, la droite française semble chercher davantage à flatter un électorat inquiet qu’à construire un dialogue équilibré. Mais en s’attaquant à un accord qui touche directement à la dignité de milliers de familles franco-algériennes, elle risque surtout d’envenimer une relation déjà fragile.
De part et d’autre de la Méditerranée, nombreux sont ceux qui estiment qu’un demi-siècle après l’indépendance, la coopération devrait se fonder sur la raison et la réciprocité plutôt que sur la suspicion et les calculs politiques.
Assia M.
