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Entre loi et lobby : Le Polisario face aux fantasmes sécuritaires et à la propagande du Makhzen

La proposition déposée au Congrès américain par les parlementaires Jimmy Panetta et Joe Wilson pour désigner le Front Polisario comme organisation terroriste marque une escalade troublante.

D’abord par sa charge symbolique, ensuite par les glissements qu’elle opère, d’un conflit de décolonisation reconnu à un prétendu « risque terroriste ». Mais surtout, elle soulève une interrogation plus large : qui alimente cette narration et dans quel but ?

Une construction politique nourrie par le lobbying

Ce projet de loi n’est pas né dans le vide. Il est le fruit d’un lobbying intense orchestré à Washington, s’appuyant sur certains cercles néo-conservateurs, mais surtout sur les relais du Makhzen marocain, qui s’emploient depuis des années à transformer la question sahraouie en enjeu sécuritaire global. L’objectif est clair : délégitimer toute revendication d’autodétermination en l’associant à l’extrémisme, dans un contexte international marqué par la peur du terrorisme.

Cette stratégie a été affinée depuis la reconnaissance américaine partielle de la souveraineté marocaine sur le Sahara en 2020. Elle s’appuie sur une mécanique bien huilée : rapports orientés de think tanks, campagnes médiatiques ciblées, et pression sur des élus en quête d’alignement avec « les alliés stratégiques » de Washington.

 Dépolitiser un conflit en le criminalisant

Assimiler le Front Polisario à une milice radicale soutenue par l’Iran ou le Hezbollah n’est pas seulement une falsification grossière du réel. C’est surtout une tentative de dépolitiser la lutte sahraouie pour mieux la disqualifier. Or, ce mouvement est depuis des décennies l’interlocuteur officiel reconnu par l’Union africaine, et représente un peuple que les Nations unies considèrent toujours en attente d’un processus d’autodétermination.

La propagande du Makhzen, relayée désormais jusqu’aux travées du Congrès américain, vise à imposer une équation simple mais fausse : Polisario = terrorisme = menace pour l’Occident. C’est une construction opportuniste, dangereuse et incompatible avec les principes du droit international.

 Un engrenage aux conséquences régionales

Cette initiative, si elle aboutissait, aurait des conséquences politiques lourdes. Elle affaiblirait les efforts de médiation onusienne, polariserait davantage le Maghreb, et ouvrirait la voie à une militarisation du conflit. Elle contraindrait également les parties opposées à chercher des soutiens alternatifs, exacerbant les rivalités géostratégiques entre puissances.

Il est clair que ce glissement vers la criminalisation d’une cause politique est à la fois contre-productif et dangereux. L’histoire des conflits contemporains montre qu’aucune paix durable ne s’est bâtie sur l’exclusion ou l’étiquetage arbitraire d’un acteur.

Le temps est venu de dénoncer l’instrumentalisation de la peur au service des agendas territoriaux.

Le dossier sahraoui appelle au droit, à la raison, et au courage diplomatique, non à la confusion des rôles entre justice, propagande et stratégie de façade.

R. Malek

R. Malek

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