Pourtant, un bulletin météo avait averti des fortes précipitations sans qu’aucune mesure ne soit prise, visiblement, par les autorités locales. Des citoyens demandent une commission d’enquête…
Circulation bloquée sur plusieurs axes routiers de la périphérie de Boumerdès. Une ville côtière où les eaux stagnent pourtant.
Peur sur la ville
Le scénario catastrophe récent de la wilaya de Tipasa est dans tous les esprits. Là, un jeune a sorti son canoë kayak sur la route, du côté de Corso, une commune maintenant collée au chef lieu de la wilaya depuis que la spéculation immobilière a fait pousser des bâtiments partout. Il flotte, rame et s’esclaffe comme pour ironiser et narguer les voitures à l’arrêt, leurs chauffeurs piégés par la chaussée transformée en rivière. «Que fait le wali?» crie cette maman qui monte et descend la vitre de sa voiture nerveusement, en tentant de rassurer ses deux enfants assis à l’arrière du SUV, et que le spectacle vénitien fait rire en même temps qu’il les inquiète. «Où sont les autorités?» ajoute, un automobiliste qui est descendu de son véhicule, l’eau atteignant presque ses genoux. En moins d’une heure ce matin du dernier jour de mai, plusieurs quartiers de la ville sont inondés.
Aucune prévention
Il a plu. Des pluies annoncées par un BMS, ces bulletins d’alerte officiels que les collectivités locales doivent suivre attentivement pour agir en conséquence dans le cadre de la prévention et du déclenchement des plans Orsec. A Boumerdes, manifestement, personne n’a voulu anticiper, malgré le traumatisme des inondations à travers le pays, notamment, il y a quelques jours, celles qui ont coûté la vie à deux personnes. Certes, les services de la Protection civile et l’Epic Madinat ont déployé des efforts considérables sur le terrain mais il aurait fallu s’y prendre avant. Récurer les avaloirs, nettoyer les fossés, libérer tous les passages d’eau naturels tandis que tout le monde s’étonne que les berges, voire le lit, de l’oued Tatareg soit bétonné tout le long de sa traversé médiane de la ville. Par ailleurs, la pluie a aussi provoqué l’éboulement d’une partie d’un talus géant de terre abandonné par les urbanistes au dessous du siège de la wilaya. Résultat : la route du front de mer est coupée par un torrent de boue. Par ailleurs, la pluie à aussi provoqué l’éboulement d’une autre partie d’un talus de terre géant abandonné par les urbanistes. Résultat : la route du front de mer est coupée par un torrent de boue. Vers la gare routière, les flots ont transformé la place en un lac menaçant les automobilistes et même les piétons. On ne comprend pas comment et pourquoi l’eau ne s’écoule pas alors qu’on est à moins de deux cents mètres de la mer, la plage se trouvant en contrebas. Ici, le long d’un trottoir, une tranchée creusée par une entreprise s’est transformée en un piège mortel rempli d’eau.
Des dégâts matériels
Plusieurs cités voient leurs parkings inondés, des caves d’immeubles sont remplies d’eau ce qui fait aussi déborder les réseaux d’assainissement. Odeurs pestilentielles avec un grand risque de contamination des conduites d’adduction en eau potable. Les travailleurs de Madinat se démènent. Les uns soulèvent les lourdes plaques de fonte pour déboucher des regards, d’autres tentent de ramasser les ordures emportées par les eaux, Celui-là aide une jeune fille à traverser le «cours d’eau» qui dévale la pente…Au loin, le gros camion rouge de la Protection civile rassure. Ils sont là, mobilisés ces braves agents aidés, comme d’habitude lorsque surviennent des catastrophes naturelles en Algérie, par des citoyens volontaires. Un engagement qui tranche avec la passivité de ceux qui ont négligé, du haut de leurs bureaux calfeutrés, la prévention, qui tranche avec la complicité de ceux qui ont laissé les spéculateurs immobiliers piétiner les règles élémentaires de l’aménagement du territoire. Le wali de Boumerdes, Yahya Yahiatene en poste depuis plus de quatre ans, arrive quelques heures plus tard sur les lieux entouré d’une délégation de responsables de son exécutif. Le secteur des Travaux publics a réquisitionné des engins pour prêter main forte à Madinat. Des photos sont immédiatement publiées sur les réseaux sociaux par le site officiel de l’Epic pour signaler l’arrivée du wali. Une opération de communication qui ne fait pas taire les citoyens ni dans la rue ni sur les réseaux sociaux. «La météo a annoncé bien à l’avance ces intempéries. Qu’a fait le wali? Qu’a fait le P/APC? D’autres demandent une commission d’enquête sur l’obstruction du passage des eaux par le béton, par les constructions anarchiques. Heureusement, aucune victime n’est à signaler mais des dégâts matériels en plus des désagréments ont provoqué la colère, l’indignation dans la ville historique de l’ex- Rocher Noir, siège du GPRA. Vingt ans après le séisme du 21 mai 2003, Boumerdes a vécu hier une journée angoissante qui confirme la vulnérabilité de nos villes et le manque flagrant d’anticipation des responsables locaux.
Maya Loucif