Tandis que les services de sécurité redoublent d’efforts contre ces criminels qui se cachent dans des laboratoires… Saisie de marchandises et arrestations de trafiquants hier à Alger par la gendarmerie nationale. Un nouveau scandale de détournement de produits subventionnés par l’État a éclaté hier lorsque les services de la Gendarmerie nationale ont découvert de grosses quantités de sucre dans un laboratoire de produits chimiques pour béton. Par delà l’arrestation de plusieurs individus et l’ouverture d’une enquête judiciaire comme réaction vigilante des autorités se pose la question de l’absence de scrupules chez des Algériens cupides, véritables ennemis de l’économie nationale…
Un précédent
Cette curieuse utilisation d’un produit alimentaire dans la fabrication du béton a défrayé la chronique, il y a un peu plus de deux mois, lorsque pas moins de 5 000 kg de sucre mélangés à du béton ont été saisis au niveau d’un atelier de construction situé à El Haraoua. Ce sont les services de la direction du Commerce à Alger qui ont dépêché des contrôleurs pour procéder à la saisie de cette grande quantité de sucre dont l’emballage a confirmé qu’il s’agit bien d’un produit subventionné par l’État. Hier, ce sont 11.250 kg qui ont été saisis par la Gendarmerie nationale dans les locaux d’une entreprise à Alger. Les gendarmes, en présence de représentants des services du commerce ont pu aussi récupérer 34.000 litres d’adjuvant pour béton fabriqué à base de sucre et procéder à l’arrestation de quatre individus impliqués dans cette affaire. Il s’agit encore une fois d’un atelier produisant des adjuvants utilisés dans le mortier ou le béton. Le sucre subventionné remplacerait donc un additif dans la composition de cet adjuvant, avec forcément, l’avantage du coût compétitif qui motive l’audacieux détournement d’une denrée alimentaire de base. «L’opération, qui intervient dans le cadre de la lutte contre le phénomène de spéculation de produits de large consommation, a été effectuée suite à des informations confirmées parvenues à la brigade, faisant état d’une entreprise spécialisée dans la production industrielle des produits en béton» précise l’APS.
Béton «sucrément» dangereux
Or, en plus de ce caractère spéculatif en matière de «gaspillage du sucre», il se pourrait que les griefs retenus contre ces trafiquants prennent en considération la tricherie évidente dans la fabrication des produits chimiques pourtant réglementée selon un cahier des charges rigoureux. Les répercussions de l’altération de l’adjuvant pouvant toucher la qualité du béton et, par conséquent, la sécurité du bâti. On doit donc s’attendre à une enquête qui se penchera sur la clientèle de ces industriels sans scrupule. Sont-ils au courant des caractéristiques si particulières de l’adjuvant? Y-a-t-il tromperie sur la marchandise au préjudice d’utilisateurs innocents? Quelle est l’ampleur de cette industrie frauduleuse ? Depuis combien de temps le béton algérien souffre de cette «glycémie élevée»? De sérieuses questions qui mèneront la justice à frapper sévèrement les réseaux impliqués dans ce scandale de trop dans les domaines du commerce et de la construction. Il faut savoir que le but essentiel recherché par l’usage du sucre est de retarder la prise du béton, c’est à dire le durcissement lors du coulage. Un effet connu depuis longtemps sur le plan théorique. Cependant, une étude remontant à plus d’un siècle en arrière, concernant cette méthode d’ajout du sucre aux ciments en Egypte, a révélé une fragilisation du mortier. En raison d’un durcissement inégal du béton, d’un mélange fendillé et d’une résistance aux chocs mécaniques bien inférieure à la normale. C’est pourquoi, les expertises de génie civil à la lumière des connaissances d’aujourd’hui ne manqueront donc pas de renseigner les juges au sujet du préjudice induit par la fraude sur la formule chimique de l’adjuvant.
Nordine Mzala