Des dossiers et des messages. Visa, relations avec la France, mémoire, essais nucléaires, langue française en Algérie, Maroc, Russie, Sahel, Hirak, terrorisme et islamisme… Dans un entretien accordé au journal français, Le Figaro, le président de la République Abdelamdjid Tebboune, n’a éludé aucun sujet. Outre le fait d’avoir révélé qu’il se rendrait cette année en France en visite d’Etat, le Président Tebboune «savoure» le retour du rétablissement du flux habituel des visas par la France. «C’est simplement dans la logique des choses», a-t-il souligné précisant qu’il y a «une spécificité algérienne» qui a été négociée lors des Accords d’Évian et qu’il convient de «respecter».
«Le volume des laissez-passer consulaires a augmenté, mais ce n’est pas le nombre qui compte, c’est le respect des principes», a-t-il dit avant d’enchérir : «Les Algériens devraient avoir des visas d’une durée de 132 ans», en référence au temps de la colonisation française en Algérie. «Ce serait un échange de bons procédés», a-t-il ajouté tout en rejetant le terme d‘«indésirable» frappant les Algériens soumis à l’obligation de quitter le territoire français. «Le terme indésirable est déjà discutable. Ceci, car il désigne des gens qui n’ont pas tous le même statut», a-t-il expliqué tout en soulignant que «la radicalité n’est pas algérienne». D’autant note-t-il que «le terrorisme est derrière nous et ne représente plus un danger politique pour l’Algérie, même s’il subsiste quelques reliquats». Des dossiers qui devraient être abordés lors de la visite d’Etat qu’il effectuera en France cette année. Un déplacement déjà historique à bien des égards… Un déplacement au cours duquel il aura des entretiens avec son homologue français Emmanuel Macron. Un déplacement important pour les deux pays qui partagent des partenariats stratégiques du fait que de gros dossiers économiques et politiques seront sur la table, mais également une rencontre avec la diaspora algérienne.
Qualifiant de tournant majeur les relations algéro-françaises, le chef de l’Etat a encensé le Président Emmanuel Macron dont il loue l’«amitié réciproque». «Nous avons une certaine complicité. Je vois en lui l’incarnation d’une nouvelle génération qui peut sauver les relations entre nos deux pays», a déclaré Tebboune au sujet de Macron.
«Son atout est qu’il n’a rien à voir avec la colonisation. Ni lui, ni son parcours, ni sa famille. Nous avons une amitié réciproque. Certes, nous avons eu, lui comme moi, des formules malheureuses, mais c’est la première fois, me semble-t-il, qu’il y a une telle relation de confiance entre nos deux pays», a-t-il ajouté.
S’exprimant sur la question de la Mémoire, il a affirmé qu’«une partie de la colonisation doit être dépolitisée et remise à l’histoire». «La France doit se libérer de son complexe de colonisateur et l’Algérie, de son complexe de colonisé», a-t-il déclaré. «Néanmoins, il a exhorté la « France à nettoyer les sites des essais nucléaires à Reggane et Tamanrasset, où la pollution est énorme», faisant part de son «souhait qu’elle prenne en charge les soins médicaux dont ont besoin les personnes sur place» tout en appelant à l’ouverture d’«une nouvelle ère des relations bilatérales». Le Président a précisé que «la France n’a pas demandé à l’Algérie d’augmenter ses livraisons de gaz».
Abordant l’actualité régionale et internationale, le Président Tebboune regrette, d’une part, que «le Sahel s’enfonce dans la misère», et, d’autre part, le retrait des groupes armés, notamment Touareg dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, dans le dossier malien. «Pour ramener la paix, il faut intégrer les gens du Nord du Mali dans les institutions de ce pays», a-t-il préconisé.
Au sujet de la présence des milices de Wagner dans la région, Tebboune a estimé que «l’argent que coûte cette présence serait mieux placé et plus utile s’il allait dans le développement du Sahel». Une déclaration loin de remettre en cause la présence de Wagner en termes de menaces sécuritaires.
Questionné sur le conflit russo-ukrainien, le Président Tebboune n’a ni approuvé ni condamné l’opération russe en Ukraine. «L’Algérie est un pays non-aligné, et je tiens au respect de cette philosophie», a-t-il répliqué qu’il se rendra en Russie bientôt précisant que «personne ne pourra jamais satelliser l’Algérie. Notre pays est né pour être libre».
B. B.