Entretien

Mhamed Hamidouche, professeur en économie : Il est opportun de doter le parlement par un Bureau du budget

Entretien réalisé par Zakia A.
Quels sont les faits marquants en 2022 sur le plan financier?
Une loi de finances de 2022 qui prône dans son article 187 la révision des transferts sociaux directs qui équivaut à 19 milliards de $ US et qui a suscité des débats, mais concrètement, on patauge avec des commissions  pour arriver à des résultats prévisibles. L’option de la révision de la formule des transferts sociaux est louable, mais la redistribution de ce pactole est simple, soit on prend le chemin d’exemple de l’Iran, auquel en 2008, durant la période du Président Nejad, il a été attribué à chaque ménage la subvention, c’est-à-dire aux 80 millions d’Iraniens à travers une caisse nationale. En 2014, cette caisse a dû assainir la liste en éliminant les entrepreneurs, les commerçants et autres, et à partir de 2018, une maîtrise relative aux ménages devant bénéficier de cette aide en numéraire de l’État est assurée.
Revenant au cap tracé par cette loi, un budget élaboré par des fonctionnaires et auxquels on leur demande d’élaborer une feuille de route, d’abord, ils ont le temps pour cette feuille, et les choix retenus  nécessitent à leur tour plusieurs feuilles de route et la boucle est bouclée. A mon avis, il est opportun de doter le parlement par un Bureau du budget à l’instar des États Unis auquel le Congressional Budget Office (CBO) réunissant 232 experts principalement des économistes et des spécialistes des politiques publiques américaines et qui conduisent des analyses impartiales. Les britanniques ont mis en place un bureau similaire en 2008 à l’issue de la crise des subprimes. Pour le cas de la France, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) autant qu’organisme indépendant du Gouvernement et du Parlement, il est chargé d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques et de recettes et de dépenses du Gouvernement, de vérifier le respect des objectifs de dépenses des administrations publiques au regard des orientations pluriannuelles définies dans la loi de programmation des finances publiques et de vérifier la cohérence de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France.
Quelle  lecture  faites-vous du texte de loi de finances pour 2023 ?
D’abord, une loi de finances est l’image de la politique budgétaire sur le court terme, et le premier constat de cette loi est le changement du modèle économique national, depuis l’indépendance, c’est les dépenses publiques qui constituaient la locomotive de la croissance économique et avec l’augmentation des salaires (au profit de fonctionnaires, le financement des retraites, les allocations chômages et autres dépenses similaires),  la consommation des ménages est devenue source essentielle de la croissance, un arbitrage qui permettrait pour l’année 2023 de réaliser un taux de croissance supérieur à 5%, c’est-à-dire à la prévision indiquée dans le projet de la loi de finances de 2023.
Je rappelle, que le revenu national (ou le produit intérieur brut) est la somme entre la consommation, l’épargne, l’investissement, les taxes et le solde du commerce extérieur, ainsi, le rapport de l’accroissement de ce revenu d’une année par rapport à l’année antérieure constitue le taux de croissance économique.
Par ailleurs, cette loi de finances est sensible aux variations des recettes qui dépendent des fluctuations du prix du baril et des dépenses qui ne cessent de grandir, en plus de la volatilité de ces prévisions de recettes et dépenses. En conséquence, tout le cumul des excédents sur plusieurs années enregistrés par le fonds de régulation est éphémère, car il peut être englouti par un enthousiasme politique et une conjoncture ou une crise économique.  De mon point de vue, il faut sortir de cette démarche qui nécessite souvent une loi de finances complémentaire sur une période très courte, en passant au modèle auquel les recettes arrêtées au 31 juillet de l’année précédente constitueront les dépenses de l’année prochaine.
Ce pragmatisme budgétaire va initier un autre débat, le mur budgétaire, c’est-à-dire le seuil du déficit budgétaire tel c’est le cas des états unis, ou la convergence budgétaire Européenne ou le déficit budgétaire annuel est fixé à 3%  par rapport au PIB et, le cumul de l’ensemble des déficits ne doit pas dépasser 60% du PIB. Enfin, un budget qui s’accapare de la moitié de la richesse nationale doit être impérativement révisé pour passer à la moitié puis au tiers comme c’est le cas des États unis et de l’Allemagne.
Où en est à votre avis la réforme de la gouvernance des banques publiques ?
La gouvernance des banques telle qu’elle est aujourd’hui  se limite à la maîtrise des risques des crédits, c’est-à-dire se conformer aux différents accords de Bâle (1, 2 et 3). Mais le problème des banques publiques algériennes n’est pas similaire à celui des banques étrangères, car le risque pour ces derniers est dans ce qu’on appelle le hors bilan, c’est-à-dire les actifs spéculatifs, d’autant plus que certaines banques de dimension internationale sont systémiques et qui sont une vingtaine, leur effondrement engendrera une crise financière planétaire induisant une crise économique mondiale. Et actuellement, les cas de la banque Allemande la Deutsch Bank ou  la banque suisse l’UBS est inquiétant à cause des risques encourus des produits des marchés à terme spéculatifs (options, futures, swaps, …).
Pour les banques publiques nationales, la transparence dans leurs comptes est de ce fait, elles  doivent faire leurs entrées à la Bourse d’Alger, c’est-à-dire l’État propriétaire des 100% des actions, doit au moins libéré 20% des actions, ce sont les conditions actuelles d’accès à la bourse, un choix auquel les banques sont dans l’obligation de fournir un bilan comptable et les comptes de résultats dûment certifié à la bourse d’Alger qui serait à la portée du grand public, d’une part, la transparence est assurée, et d’autre part, le marché sait sanctionner ou gratifier les dividendes et la performance en dehors de toute démagogie ou idéologie.

Rédaction Crésus

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