Le premier critère de l’Algérie nouvelle à laquelle les Algériens aspirent, est celui d’un Etat de droit. Abdelmadjid Tebboune, candidat, avait promis d’atteindre cet objectif en mettant fin à la corruption et en moralisant la vie publique. Il a affiché, dès son élection, il y a 3 ans, la volonté politique de mener une lutte sans merci contre la corruption affirmant à chaque fois qu’il s’agit là d’une question prioritaire des pouvoirs publics. Le président a engagé de nombreuses réformes institutionnelles et juridiques pour renforcer les fondements de l’Etat de droit et asseoir les principes de la bonne gouvernance à travers la consécration des valeurs d’intégrité, de responsabilité et de transparence dans la vie publique. Il a notamment créé, à la faveur de la Constitution de 2020, la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption qu’il a classée parmi les institutions de contrôle en la dotant de larges prérogatives notamment celle de mettre en place une stratégie nationale de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption et de veiller à son suivi. Et c’est justement de cette stratégie que la présidente de cette instance anticorruption, Salima Mesrati, a parlé, jeudi dernier, lors d’un colloque sur «la politique de lutte contre la corruption en Algérie et la moralisation de la vie publique». Appelant les forces vives et toutes les parties impliquées à adhérer aux démarches de prévention et de lutte contre la corruption, Mme Mesrati a annoncé que dès 2023, l’autorité envisageait la mise en application du AIA, un modèle sud-coréen relatif à l’évaluation des efforts de lutte contre la corruption au niveau du secteur public après l’avoir adapté aux normes nationales. «Cela permettra de renforcer la lutte contre la corruption par une série d’indicateurs basés en premier lieu sur la valorisation des efforts des établissements publics dans ce sens et l’activation des normes ayant trait à l’intégrité, la transparence et la reddition de comptes», a fait savoir la présidente de la Haute autorité. De quoi s’agit-il exactement ? Il s’agit d’un mécanisme de surveillance et d’évaluation qui consiste à la distribution claire des rôles et des responsabilités et qui met l’accent sur le suivi et la mise en œuvre effective et efficace des mesures arrêtées dans le plan d’action. Il contient des orientations et des activités à réaliser et définit surtout les ressources, les emplois du temps et les coûts nécessaires pour leur concrétisation. L’Algérie a pris comme exemple la Corée du Sud car ce pays a réussi à mettre au point, depuis 2002, un outil innovant qui a prouvé son efficacité, non seulement en Corée du Sud, mais également dans d’autres pays où il a été déjà appliqué. Avant de lancer le modèle coréen AIA, l’Algérie s’est fait accompagner, depuis 2019, par le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) où plusieurs sessions de formation ont été organisées. La Haute Autorité a aussi mis en place un plan d’action, en coordination avec le Pnud, prévoyant trois phases pour le classement de 6 opérations consécutives depuis octobre 2021, avant la phase d’exécution prévue en 2023. Il a été notamment procédé à l’adoption et l’adaptation de ce modèle à la spécificité organisationnelle et institutionnelle nationale. Un modèle qui encourage les institutions publiques à déployer des efforts volontaires pour lutter contre la corruption et améliorer l’efficacité des dispositions sur la base des résultats de l’évaluation. Dès le lancement de la nouvelle stratégie, il faut s’attendre à des changements réels surtout que le nouveau modèle permettra le renforcement de la transparence, de l’intégrité aussi bien au niveau des institutions publiques et privées qu’au niveau de la société avec l’association de la société civile. Et concernant la participation de la société civile, il y a lieu d’indiquer à ce propos qu’une loi indépendante visant à protéger les lanceurs d’alerte qui signalent les affaires de corruption est attendue. «Le signalement est l’un des mécanismes les plus importants pour lutter contre la corruption, mais malheureusement en Algérie nous n’avons pas cette culture, d’autant plus que les lanceurs d’alerte craignent les menaces et les provocations auxquelles ils peuvent être exposés », a déclaré, ce jeudi, le secrétaire général de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption, sur les ondes de la radio nationale. Ce dernier qui a souhaité la préparation de ladite loi, a expliqué qu’en l’absence de loi protégeant le lanceur d’alerte, certains ont été poussés à recourir à des lettres anonymes. Un procédé que le chef de l’Etat a formellement interdit. Lors de la rencontre Gouvernement-Walis, le président avait donné instruction aux membres du Gouvernement et aux responsables des corps de sécurité pour ne plus tenir compte des lettres anonymes de dénonciation. Il avait alors expliqué que si la lutte contre la corruption reste irréversible et nécessaire, elle ne devait, en aucun cas, prendre la forme d’une campagne de déstabilisation. «Toute aide apportée par les citoyens, directement ou à travers les médias avec les preuves nécessaires, doit être prise en compte pour des investigations éventuelles. Il est clair que dans ce cas, le citoyen doit être protégé par l’Etat de toute forme de représailles» avait alors souligné le président. Il faut donc s’attendre à ce que les personnes qui dénoncent des actes illégaux et des violations de lois soient bientôt protégées, ce qui va donner plus de confiance aux citoyens pour signaler les affaires de corruption. Cette procédure, faut-il le souligner, avait aussi été appliquée en Corée du Sud. Outre cela, il y a aussi lieu d’indiquer que la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption devra, dans le cadre de son travail, mener des enquêtes financières et administratives sur l’enrichissement illégal d’agents publics. Il faut donc s’attendre à ce que l’Autorité lance des investigations sur les cas d’enrichissement illicite. L’Autorité traquera les signes extérieurs de richesse chez les agents publics, fonctionnaires, responsables politiques ou gestionnaires d’entreprises publiques notamment lorsque la fortune ne cadre pas avec les revenus connus de l’agent en question.
C’est dire que 2023 sera l’année de la lutte anticorruption par excellence. Les corrupteurs et corrompus devront dès lors penser à deux fois avant de commettre de pareilles actes car dans l’Algérie nouvelle, le glaive de la justice ne pardonnera pas.
Amine Ghouta