Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M’hidi, Mustapha Ben Boulaïd, Krim Belkacem, Didouche Mourad et Rabah Bitat, sont ces six chefs originaires de différentes régions du pays, qui se sont réunis en toute discrétion le 23 octobre 1954, au domicile du moudjahid Mourad Boukechoura à Rais Hamidou, pour dessiner les contours de la guerre de libération qui a ancré les principes de la lutte du peuple algérien au cours de l’histoire et a fait de son unité un impératif pour réaliser l’objectif suprême qu’est l’affranchissement du joug colonial et le recouvrement de la liberté et de l’indépendance. La détermination des six chefs historiques a donné lieu au déclenchement de la guerre contre le colonialisme français sous un slogan unifié «Par le peuple et pour le peuple» et sous la direction du FLN, voulant ainsi que cette guerre soit une révolution populaire sans dirigeant ni commandement individuel ni leadership partisan. Des historiens ont évoqué les circonstances de la tenue de cette réunion marquée par une discrétion sans précédent avec, pour ordre du jour, la fixation de la date du déclenchement de la guerre de libération. D’ailleurs, la délégation extérieure de la révolution algérienne au Caire n’a été informée de cette date ni de la Déclaration du 1er novembre qu’à la veille du déclenchement de la guerre, après le déplacement de Boudiaf en Egypte pour en informer Ahmed Ben Bella, Hocine Ait Ahmed et Mohamed Khider. La plupart des historiens affirment que l’élaboration de la Déclaration du 1er novembre s’est faite avec la participation de tous et les discussions entre les six chefs n’ont jamais été divulguées au vu du caractère confidentiel de cet événement historique important.
Intenses tractations entre les différents courants
Parmi les résultats issus de cette réunion historique, la définition de la date et du mot d’ordre du déclenchement de la révolution à travers tout le territoire national outre la mise en place d’une carte militaire pour les sites de déploiement des forces françaises et l’adoption de la décentralisation dans la gestion de la révolution en accordant à toutes les région la liberté de gestion en fonction des spécificités de chaque région tout en accordant la priorité à l’intérieur sur l’extérieur. Ils ont également convenu de la répartition de l’Algérie en six régions dirigées par, Mostefa Benboulaïd (1ère région -Aurès), Didouche Mourad (2ème région -Nord Constantinois), Krim Belkacem (3ème région -Kabylie), Rabah Bitat (4ème région -Centre) et Larbi Ben M’hidi (5e région -Ouest). La désignation d’un commandement pour la région Sud a été reportée. Ensuite, Mohamed Boudiaf rejoint le Caire en vue de prendre attache avec les membres de la délégation extérieure pour les informer des décisions prises et la diffusion de la Déclaration du 1er novembre sur les ondes de Sawt El Arab. Parmi les décisions prises lors de la réunion figure également, l’attribution d’une appellation à la nouvelle organisation qui remplacera le Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA) à savoir, le FLN auquel il faut adhérer à titre individuel et non partisan. Ils ont convenu également d’appeler l’organe militaire du FLN «Armée de libération nationale» (ALN). Bien avant, le groupe historique des 22 avait tenu le 24 juin 1954 une réunion au domicile du militant Ilyes Derriche à El Madania sous la présidence de Mostefa Benboulaïd, un tournant crucial dans le processus de préparation de la révolution nationale.
L’acheminement des armes : un périple truffé d’écueils
L’acheminement des armes depuis la Tunisie pour l’Armée de libération nationale (ALN) quelques années avant le déclenchement de la Révolution du 1er novembre, fût un périple truffé d’écueils et d’embûches, se souvient un survivant d’une des expéditions de 1957 vers ce pays voisin, 65 ans après. L’ancien moudjahid Yahia Meziani n’avait que 18 ans lorsqu’il a participé à une entreprise d’acheminement d’armes depuis la Tunisie. Il avait quitté la vallée de la Soummam en juin 1957 et n’est revenu qu’en mars 1958, certes vivant et fier du devoir accompli, mais proie à d’innombrables blessures, coltiner le long d’un parcours infernal et mortifère. Yahia Meziani du haut de ses 83 ans, n’en a rien oublié, ni des dates, ni des lieux, ni de ses frères d’armes tombés au champ d’honneur pendant le périple. Évoquant un épisode de retour de Tunisie et après avoir traversé le barrage de la sinistre ligne Morice, il a été surpris lui et ses compagnons par une embuscade et un bombardement de l’aviation coloniale qui a décimé toute une compagnie de moudjahidine de la wilaya-II historique, revenue d’une mission analogue, et tué plusieurs membres de sa propre compagnie dont un de ses amis de section. Avant même de sortir de la wilaya III et de la vallée de la Soummam, il a dû affronter des dizaines d’écueils et essuyer une foultitude d’embuscades et de traquenards qui ont eu pour effet de l’endurcir rapidement. Il a fait partie d’une section de moudjahidine, stationnée alors à Ibarissene, à la périphérie de la ville d’El-Kseur, à une trentaine de km à l’ouest de Bejaia. Ils se sont battus du mieux qu’ils pouvaient en faisant montre d’un courage inimaginable. Et cette force leur a permis de ramener des armes, des mitraillettes, des bazookas, des pièces d’artillerie et des munitions, le tout chargé sur des sacs à dos dans le poids atteignant plus de 50 kg par personnes. Chargés à l’extrême, il ont refait le même chemin au retour, qui s’est avéré encore plus périlleux. Mais la mission a été accomplie et le devoir et l’objectif de renforcer le front en moyen de lutte atteint.
M. T.