Le monde des abeilles et des insectes pollinisateurs en général est capital pour la biodiversité végétale qui reste le maillon fort de toute production de biomasse alimentaire végétale et animale. Seules des mesures draconiennes de protection des abeilles sauvera l’humanité d’un désastre et l’Algérie de sa forte dépendance alimentaire.
L’abeille mellifère est le seul insecte dont l’homme consomme la production : miel, pollen, propolis, gelée royale, cire. Aux balbutiements de l’humanité, le miel représentait la seule source de sucre existante. L’insecte, qui est apparu avec les premières plantes terrestres, a donc accompagné les premiers pas de l’Homme et lui reste indispensable même à l’ère spatiale. Un adage bien connu note que « Si l’abeille venait à disparaître, l’humanité n’aurait plus que quelques années à vivre. » Certes il fait froid au dos mais c’est une réalité écologique qui mérite d’être prise en charge. L’abeille est un insecte indispensable à la pollinisation des fleurs, elles constituent un maillon essentiel de la chaîne qui contribue à la production de biomasse dont une grande partie est consommable. En plus elle permet de maintenir l’équilibre des écosystèmes et de leur pérennité. Si les abeilles disparaissaient, des multitudes de plantes ne pourraient plus se reproduire et s’éteindraient et impacteraient la production de biomasse et de nombreuses espèces animales et végétales disparaîtraient pourtant indispensables à la nourriture de l’homme se nourrit.
Les abeilles restent les agents polinisateurs les plus zélés et les plus efficaces.
A part les insectes, les plantes à fleurs ont deux autres modes de pollinisation ; la pollinisation a lieu au sein d’une même fleur par contact direct des anthères et du stigmate ou par gravité, comme chez les céréales et la pollinisation par le vent. Mais la pollinisation par les abeilles concerne dans 80 % des espèces de plantes à fleurs. Les insectes pollinisateurs représentent une faible biomasse, mais ils sont très importants car ils agissent comme des catalyseurs.
Selon une étude internationale menée sur 115 cultures et dans 200 pays, les trois quarts des cultures sont pollinisées par les insectes. C’est les cultures fruitières, légumières, oléagineuses et protéagineuses ainsi que les plantes à fruits à coques, les épices, le café et le cacao. L’étude précise que seules 25 % des cultures n’en dépendent pas du tout (les céréales comme le blé, le maïs et le riz). C’est 35 % de la production mondiale de nourriture qui provient de cultures dépendant de la pollinisation par les insectes ; les abeilles en sont responsables pour une part importante.
La disparition des abeilles est une option sérieuse
Plusieurs études montrent que la possibilité d’un déclin important des populations d’abeilles, voire de la disparition complète de certaines espèces, est réelle. L’abeille domestique constitue un peu un indicateur des populations sauvages dont l’effectif est impossible à maitriser. En Algérie très peu de chercheurs travaillant sur les pollinisateurs et la pollinisation par les insectes et cette menace ne se semblent pas être prise au sérieux.
Pourtant il est avéré et connu que les abeilles sont fragiles et qu’elles se nourrissent presque exclusivement de nectar et de pollen que les plantes produisent pour elles. C’est le fruit d’une longue coévolution avec les plantes à fleurs. Les insectes herbivores qui mangent les feuilles ingèrent eux toutes sortes de poisons comme des alcaloïdes et des tanins et se défendent à l’aide d’enzymes de détoxification. Les abeilles par contre sont très mal pourvues avec ces enzymes.
Nécessité d’une prise de conscience pour renverser la situation
Depuis des années des travaux sur le thème sont entrepris pour explorer plusieurs pistes afin de renverser cette tendance. La préservation des espaces naturels, l’amélioration du taux de couverture végétale en campagne et en milieu urbain ainsi que la lutte contre l’utilisation de molécules chimiques nocives sont des actions urgentes à entreprendre.
En Algérie les espaces en jachère sont nombreux et couvrent plus de 10 millions d’hectares qu’il faut transformer en jachères fleuries, elles permettent le maintien des populations de pollinisateurs. Devançant les écologistes, les groupes d’entreprises phytosanitaires s’emparent de ces actions en les détournant à leur profit. C’est le choix des espèces à préserver et encourager qui reste déterminant dans ce volet.
Malgré les impacts destructeurs des produits phytosanitaires, les espèces pollinisatrices résistent tant bien que mal mais leur effectif connaît une forte régression qui constitue un signal d’alarme. Le système haplo-diploïde des abeilles ne favorise pas le maintien des petites populations et c’est ce qui constitue un autre danger
La vie d’une abeille n’est pas de tout repos car en plus de sa besogne quotidienne, la récolte du nectar des fleurs, elle doit aussi se protéger des attaques d’autres insectes, notamment les frelons du genre Vespa. Les abeilles ont mis au point plusieurs techniques pour se défendre, celle de l’étouffement, où un groupe d’abeilles recouvre un frelon pour qu’il meure de surchauffe. Les frelons utilisent aussi des techniques d’attaques dangereuses avec leurs puissantes mandibules, ils détruisent l’entrée des ruches pour y pénétrer ou laisse des repères chimiques comme signal pour une potentielle attaque de masse.
Les ouvrières sont arrivées à modifier leur méthode de travail en apportant des excréments d’animaux et en les déposant à l’entrée de leur nid pour éloigner les frelons. Ce comportement est nouveau dans le monde des abeilles et confirment qu’elles sont agressées et devaient s’adapter. Malheureusement, nos abeilles mellifères n’utilisent pas cette stratégie défensive et sont particulièrement vulnérables aux espèces de frelons asiatiques invasives.
Diagnostic de la filière apiculture en Algérie
La production nationale de miel a presque doublé au cours des dix dernières années pour atteindre 75000 quintaux/an, alors que la consommation par habitant reste très faible estimée à 180 grammes. Ces chiffres sont à augmenter car des volumes importants sont produits et commercialisés par des réseaux informels. Les derniers chiffres disponibles selon certaines études universitaires font que le pays compte près de 52 000 apiculteurs déclarés et 1,7 millions de colonies apicoles réparties à travers le territoire. Différentes variétés de miel sont produites en Algérie où 13 sont recensées par le ministère de l’Agriculture. Dans ce volet il y a lieu de citer le miel d’agrumes, d’eucalyptus, de romarin, de lavande, de jujubier, d’euphorbe, d’arbousier, de la carotte sauvage, de romarin, de thym, d’origan, de peganum, de caroubier, de chardon en plus du miel de toutes les fleurs du printemps.
Les territoires mellifères sont importants en Algérie où les écosystèmes forestiers couvrent plus de 4.300 000 hectares, les terrains de parcours sur 48 000 hectares, les plantations fruitières avec plus d’1 million d’hectares, les cultures maraîchères avec 550 000 hectares, les végétaux de la steppe avec 500 000 hectares et les zones montagneuses avec 3 600 000 hectares soit un espace à potentialités mellifères temporaire de 10 millions d’hectares.
Malgré la progression de l’apiculture enregistrée durant cette dernière décennie, les acteurs de la filière alertent sur les problèmes climatiques et environnementaux qui menacent la production et le cheptel des abeilles. Il déplore également l’usage des pesticides, incriminés dans la hausse importante de la mortalité des abeilles. Certaines études avancent que cette mortalité est passée de 6% dans les années 1990 à plus de 25 % actuellement ; ce qui constitue un risque majeur dans ce domaine alimentaire.
Certes ce phénomène mondial mais des mesures de protection sont prises dans plusieurs pays ; les causes sont connues comme le changement climatique, l’usage des pesticides et les pathologies apicoles et les races étrangères introduites et multipliées. La qualité du miel importé est une autre cause de l’agression de cette filière ; dans certains miles importés le taux de miel ne dépasse pas les 12%, le reste étant du sucre. Ce type de produit a fait des ravages, causant des dommages pour les vrais apiculteurs producteurs.
Quelle stratégie adopter ?
Il faut mettre en place un laboratoire qui délivre les certificats de la qualité du miel pour débusquer les tricheurs et à aider les apiculteurs, mais aussi profiter de l’expérience des anciens pour assurer une «vraie» formation aux jeunes qui doit s’étaler sur au moins deux ans de théorie et de pratique, et ne pas se contenter de stages de quelques semaines voués à l’échec. «On ne deviendra jamais un vrai apiculteur en travaillant au programme», conclut-il.
Il faut sauver l’abeille locale en Algérie Apis Intermissa, souvent décrite comme abeille sans intérêt, prouve qu’elle a de nombreuses ressources qui lui permettent de résister au varroa, coléoptères de la ruche, mais aussi une force de réguler par anticipation la ponte de la reine.
Les services spécialisés doivent interdire les traitements phytosanitaires anarchiques. Ils doivent également informer les apiculteurs lors de l’application des traitements en pleine floraison sur leur impact en les incitant à utiliser des traitements non nocifs aux abeilles.
Il est impératif de préserver l’abeille locale en sélectionnant les meilleures souches et de stopper l’importation sous peine de se retrouver avec les mêmes problèmes qu’ailleurs où leur race locale a été éliminée.
Les apiculteurs doivent alerter, agir et sensibiliser autour de la qualité de l’apiculture et du miel. Le potentiel génétique exceptionnel de l’abeille algérienne est un patrimoine naturel à sauver. Une autre race de la steppe saharienne Apis Sahariensis (abeille saharienne) qui a été quasi-exterminé par la Ligustica importée il y a de nombreuses années.
K. Benabdeli