En raison «d’actions hostiles» du royaume à son égard, l’Algérie, a décidé la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc. Cette décision intervient suite à la guerre ignoble que mènent les services de sécurité et de la propagande marocains contre notre pays, son peuple et ses dirigeants.
Noureddine Djoudi qui a une vaste expérience, fut le premier ambassadeur en Afrique du Sud et ancien secrétaire général adjoint de l’Organisation de l’unité africaine (actuellement Union africaine) analyse pour les lecteurs de Crésus la décision de l’Algérie.
Entretien réalisé par Assia M.
Crésus : Maintenant que la décision a été prise officiellement concernant la rupture des relations diplomatiques de l’Algérie avec le Maroc, quelle est votre analyse à ce sujet ?
M. Djoudi: Lorsque j’ai appris la nomination de M. Lamamra au poste de ministre des Affaires étrangères par le Président, j’ai exprimé ma satisfaction, car il a choisi un homme d’une dimension internationale et d’une compétence avérée. Un diplomate qui connait très bien les problématiques. Je pense que c’est un point positif pour l’Algérie, et aujourd’hui, il l’a démontré. Pour revenir à votre question, je pense que Lamamra a très bien expliqué ce qui s’est passé. L’Algérie a été très patiente. Une question a été posée au Maroc après la déclaration de son ambassadeur aux Nations unies sur la Kabylie. Des explications lui ont été demandées. Le Maroc n’a pas répondu, encore moins lors du discours du roi. À partir de là, il était inévitable que les autorités algériennes réagissent. Le roi n’a pas nié ce qu’a dit son ambassadeur, c’est-à-dire leur soutien au MAK, une organisation terroriste qui est surtout, soutenue et financée par Israël.
C’est donc le Maroc qui a franchi le pas de non-retour…
Lamamra était très clair. L’Algérie n’a jamais été à l’origine des ruptures des relations diplomatiques sauf dans des cas précis, où nous étions touchés, où c’est l’autre partie qui avait commis l’irréparable. Le Maroc, depuis notre indépendance, n’a jamais cessé de nous créer des difficultés.Cette fois-ci, il était intolérable de le voir franchir une ligne rouge, à savoir l’unité du peuple algérien. Je crois que c’était la moindre des décisions à prendre. Elle a été prise. J’en suis heureux.
L’Algérie est connue depuis très longtemps pour ses positions de soutien à la cause sahraouie. Mais cette année, la guerre a été déclarée frontalement. Est-ce que c’est en raison de la relation de la normalisation entre le Maroc et l’entité sioniste, ou il y a quelque chose qui se trame, ou bien le Maroc se voit-il vraiment perdant dans l’affaire du Sahara occidental ? Comment vous analysez ce fait ?
L’Algérie a, depuis toujours, des positions de principe, avant même notre indépendance, nous avions déjà ouvert des camps aux combattants de l’Angola et du Mozambique, donc, dans ce cas c’est un principe que l’Algérie a toujours soutenu. Par exemple, nous avons même soutenu le cas de Timor-Leste en Asie ou celui de Belize dans la mer des Caraïbes, et ce n’est pas pensable que l’on n’adopte pas la même attitude à l’égard du Sahara occidental.
Vous étiez en Afrique du Sud et vous connaissez la position des Algériens vis-à-vis des causes légitimes…
J’ai dit dans une interview, quand j’étais en Afrique du Sud, que tout le monde disait que l’Algérie aidait beaucoup l’ANC. Ce n’est pas une aide, en réalité nous étions engagés, et c’était beaucoup plus que l’aide. Nous avons pris des risques énormes sur nos intérêts et nous avons toujours eu ces positions. Nous ne pouvons pas reculer. Dans l’affaire du Sahara, le Maroc en demandant d’intégrer l’Union africaine – ce n’est pas une réintégration, puisqu’il a demandé à être membre – il a accepté du même coup (il a fait passer la décision dans le Journal officiel), il a signé l’accord dans lequel figure en toutes lettres la République arabe sahraouie ainsi que le nom de son Président. Il reconnaît l’indépendance du Sahara occidental. Actuellement, le Maroc est complètement affolé, parce qu’il se rend compte que sa cause est perdue. La Rasd gagne du terrain. Les Marocains sont tombés dans le piège des sionistes qui cherchaient comment être aussi proches que possible de l’Algérie qui demeure leur objectif. En 1964, Moshe Dayan disait qu’il aurait été inquiet s’il avait des frontières avec l’Algérie. Netanyahou récemment avait dit que l’objectif d’Israël c’était l’Algérie. Donc, c’est l’Algérie qui constitue une espèce de barrière, car elle défend le droit des peuples. C’est entre autres pour cela que le Maroc s’est associé avec cette entité, qui se trouve maintenant à nos frontières et qui compte aussi faire ce qu’on appelle aujourd’hui, la guerre de 4e génération, c’est-à-dire essayer de créer des troubles dans un pays. C’est de cette manière qu’il a été prouvé qu’ils utilisent des organisations terroristes comme le MAK et Rachad pour allumer des incendies sur tout le territoire national. D’ailleurs, il est prouvé que ce sont des criminels, car les incendies se sont déclarés à la même heure et à la même minute. Il suffit de se référer aux informations de l’Agence spatiale. Donc, le Maroc s’est doté enfin d’un satellite espion et maintenant c’est Israël qui l’aide, parce qu’il reçoit des coups durs de l’armée libération sahraouie. Ce qui est beaucoup plus grave ce sont maintenant les éléments du MAK et de Rachad qui reçoivent des entrainements militaires au Maroc, et même en Israël. Vous n’avez qu’à vous référer de la version et aux déclarations du fils de Mira qui a indiqué que Mehenni a bénéficié de la nationalité israélienne.
Revenons M. Djoudi à la décision de l’Algérie. Techniquement, que veut dire sur le terrain une rupture de relations diplomatiques ?
Lamamra connait parfaitement les arcanes de la diplomatie. Nous connaissons très bien que rompre les relations diplomatiques est tout à fait différent des statuts de consulats. Ce qui fait que rompre les relations c’est une décision politique et administrative qui touche aux relations entre les deux États, mais les consulats ne sont pas touchés par cette mesure, et continuent à assurer les services de leurs communautés que ce soit notre consulat à Casablanca ou celui du Marco ici à Alger. La nuance est absolument très claire. Par exemple, nous avons eu une rupture des relations diplomatique avec les États-Unis à une certaine époque où, à Washington, nos intérêts étaient assurés par l’ambassade Suisse comme les intérêts américains ici à Alger étaient assurés par l’ambassade Suisse. Cette situation ne touche en aucun cas nos ressortissants. Sur ce point-là ils doivent être tranquilles.
Pour plus d’explications sur cette rupture, cela veut-il dire qu’il n’y aura aucune représentation?
Le Maroc ne veut plus revenir à la raison.Il continue à refuser le débat, il ne s’attache qu’à une seule chose c’est qu’on ouvre les frontières, parce que c’est dans son intérêt, mais je ne vois pas pourquoi un ambassadeur du Maroc ici continue à être reçu par le MAE ou par la Présidence. C’est fini ! C’est une rupture qui est en même temps un avertissement. Entre le peuple algérien et le peuple marocain il n’y a pas de véritable rupture, au contraire, je pense que le peule marocain est sous surveillance féroce, sous le coup de l’oppression et il ne peut pas s’exprimer. Par contre, il ne peut pas y avoir une relation entre les systèmes, lorsque le palais royal continue systématiquement d’engager des velléités d’agressions contre notre pays. Comment voulez-vous qu’on continue à discuter avec ces gens-là ?
Et c’est quoi le dernier palier après la rupture des relations…
Le dernier palier c’est la sécurité de notre pays. Déjà on avait averti clairement le Maroc, en disant que son ambassadeur aux Nations unies a fait une déclaration très grave, en soutenant la séparation d’une partie de l’Algérie (la Kabylie) de l’Algérie. Le palais se devait de nous donner une explication. Son silence veut dire tout simplement que l’ambassadeur avait des ordres de son ministre des Affaires étrangères et du palais. Cela confirme qu’il voulait une scission de l’Algérie qui était également, dans les plans d’Israël. Si le Maroc veut revenir à la raison, il n’y a aucune raison pour rompre, mais pour le moment il n’y a rien à discuter et il n’y a rien à engager avec lui. Le Maroc est allé trop loin, il a essayé de causer des problèmes dans le pays il fait une œuvre destructrice pour l’histoire du Maghreb de manière générale ou même celle de l’Union africaine.
Assia M.