Société

La femme face à un dilemme !

La femme en Algérie est victime d’harcèlement  sexuel, que cela soit dans le monde du travail, au sein de sa propre famille ou même dans la rue. Elle est  confrontée à des situations de harcèlement verbal, visuel (gestes grossiers, remarques sur le physique), physique (contacts imposés ou non sur des zones érogènes et génitales) ou psychologique à visée sexuelle (invitation dans des lieux non -professionnels tels que des hôtels, pression pour obtenir des faveurs sexuelles). Peu importe le statut social, l’âge ou le niveau de diplôme, ce phénomène n’épargne personne.

Témoignages

Amel, âgée de 30 ans, est une victime qui s’est confiée à nous, en racontant son histoire. Elle a déclaré : « Je travaillais dans une entreprise privée comme responsable et mon supérieur hiérarchique commençait à me lancer des regards déplacés, il me faisait des remarques sur mon physique. Je me retrouvais dans des situations gênantes par rapport à ses propos ». Elle poursuit : «Je lui ai bien fait comprendre que je ne tolérais pas ce genre de comportement. Sa réaction était de me faire des misères au boulot. Les choses sont allées plus loin. En plus des provocations répétées que j’ai dû subir, il cherchait des prétextes infondés pour me faire des questionnaires auxquels je ne répondais jamais». Elle a ajouté qu’un jour, alors qu’elle est partie voir son supérieur  pour le consulter dans son bureau, ce dernier a essayé d’attraper sa main, la jeune fille l’a alors repoussé, et elle est sortie de son bureau en courant, a pris son sac et est repartie chez elle. Ce comportement, comme elle l’a bien précisé, était la goutte qui a fait déborder le vase. Alors elle a pris la décision de quitter l’entreprise sans aucun préavis vu que l’atmosphère était délétère. Avant de partir, Amel a écrit au PDG de l’entreprise une lettre dans laquelle elle a dénoncé le harcèlement dont elle a été l’objet. « Malheureusement, aucune suite n’a été donnée à mon écrit. Au contraire, le jour où je suis partie récupérer mon attestation de travail, j’ai croisé mon supérieur dans le couloir affichant un sourire moqueur. J’ai su alors que j’ai bien fait de quitter ce milieu pourri. Je ne regrette pas de l’avoir dénoncé » a-t-elle précisé. Une autre jeune fille âgée d’une vingtaine d’année a déclaré que quand elle était au lycée elle prenait le transport public et des fois elle se retrouvait encerclée par des jeunes sans aucun scrupule, dont l’un se collait à elle. C’est une autre forme de harcèlement subit au quotidien par les femmes.

Maitre Hammache dénonce l’absence de la charge de preuve dans la loi

Joins par nos soins, l’avocate Sihem Hammache et membre du réseau Wassila a déclaré : « En 2006 le législateur algérien avait reconnu le harcèlement dans les milieux de travail, les femmes subissaient le harcèlement sexuel et soufraient en silence depuis des années. Les contrats a durée déterminée (CDD)  étaient le facteur qui avait déclenché l’alerte dans les sociétés. Les femmes étaient victimes de chantage pour avoir un contrat à durée déterminée». Elle poursuit dans le même ordre d’idée : «  Elles voulaient se protéger, mais aucune loi n’existait. Le  mouvement des femmes en Algérie avait fait un grand travail de plaidoyer et campagne auprès des décideurs. En 2006 un article qui punit le harcèlement sexuel au travail subit par les femmes par leurs supérieurs seulement. Une réussite pour les femmes en Algérie et une reconnaissance aux victimes ». Selon maitre Hammache, la réparation était encore loin, beaucoup de difficultés existent  pour les victimes concernent la charge de la preuve car le harcèlement sexuel a plusieurs formes. A savoir par la voix : quand un homme parle avec une femme, il change sa voix  c’est comme s’il exprimait un désir sexuel,  l’homme envoie des messages ou des images de nature sexuelle à sa victime, il propose à sa victime des cadeaux contre des relations sexuelles, des menaces proférées par rapport au renvoi de la femme du poste de travail si elle ne lui accorde pas des faveurs sexuelles, l’homme qui bloque les primes de travail pour faire du chantage aux femmes victimes. Maitre Hammache a dénoncé l’absence de la charge de la preuve pour prouver le harcèlement. Elle a également ajouté : « Une charge difficile pour les victimes surtout les moins instruites ou celles qui ne bénéficient  pas d’une solidarité de la famille et des amis c’est un obstacle pour la réhabilitation des victimes». Le harcèlement  sexuel est un délit, par conséquent il est puni par la loi, car l’auteur encoure d’une année à 3 ans de prison et une amende pouvant aller de 100 000 Da à 300 000 DA. «Quand l’auteur est un proche parent ou que la victime est une mineure de 16 ans, l’harceleur encoure une sanction allant de 2 ans à 5 ans d’emprisonnement et de 200 000 da à 500 000 da d’amende» a-t-elle indiqué.

Le regard de se la société

L’auteur n’est pas seulement le supérieur au travail mais aussi le collègue. « Plusieurs femmes subissent le harcèlement sexuel et souffrent en silence de peur des préjugés de la société qui l’a jugera sans prendre en compte sa souffrance et son humiliation. Elles ont peur également de perdre leurs postes de travail et leur salaire surtout si ces dernières n’ont aucune autre source de revenus, ou peut être même leur famille. Et celles qui ont le courage de déposer plainte c’est une descente en enfer pour cette femme. Et aussi un parcours épineux car il faut se battre avec acharnement  pour prouver l’acte d’infraction et ceci  prendra  beaucoup de temps » a-t-elle regretté.

«Il faudrait revoir la loi en mettant à la disposition des femmes des mécanismes de défense»

L’oratrice est revenue sur la charge de preuves, c’est-à-dire comment la femme victime d’harcèlement pourra prouver l’acte de son prédateur, alors que selon elle il ne suffit pas de reconnaitre ce phénomène mais il faut mettre à sa disposition des mécanismes pour l’aider à lutter contre ce phénomène et punir leurs prédateurs sexuels. «  C’est la raison pour laquelle, nous en tant qu’association pour la défense des personnes vulnérables y compris les femmes nous conseillons les femmes de dénoncer ces actes sexuels et se protéger elles –mêmes, par exemple à garder les messages (SMS) envoyés par leur assaillants, ou laisser les portes ouvertes quand elles sont convoquées par leurs patrons. Maitre Hammache a insisté que la nécessité de  revoir la loi qui est censée protéger les femmes victimes d’harcèlement sexuel  en mettant à sa disposition des mécanismes nécessaires qui les protègent. « Par exemple, la loi du travail doit avoir des articles qui parlent du harcèlement des femmes dans les milieux du travail et c’est à l’inspection du travail de faire des enquêtes dans ce sens avant de présenter l’affaire devant la justice» a-t-elle indiqué. La femme d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui, elle a cassé un énorme tabou en dénonçant ses harceleurs sexuels, malheureusement même ceci n’a pas pu la protéger puisque les prédateurs ne répondent par de leurs actes. Il faudra revoir la loi.

Samia Acher

Rédaction Crésus

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