C’est à l’occasion de la cérémonie de la Fête du Trône avant-hier, que le roi du Maroc, Mohamed VI, a prononcé un discours où il tente de revenir à de meilleurs sentiments à l’égard de l’Algérie après moult provocations auxquelles Alger n’a pas fini de répondre. Suite à de cuisants échecs dans ses entreprises belliqueuses et face à une riposte diplomatique algérienne ferme, «M6» recule. Un recul assurément tactique.
Le discours est lu de bout en bout. Le roi n’improvise pas, il sait que tous ses mots auront leur importance. Il choisit cette fois un corpus conciliant, s’appuyant sur les liens d’amitiés entre les deux peuples marocain et algérien pour développer un appel à la trêve indirect, alambiqué. Sauf qu’il n’avoue pas que c’est le Maroc qui ouvre et entretient à chaque fois la page des hostilités à l’endroit de l’Algérie. Ainsi, «déplorant les tensions entre les deux pays», le souverain marocain invite le Président algérien à «faire prévaloir la sagesse et œuvrer à l’unisson au développement des rapports» entre les deux pays voisins.» Comme si de rien n’était…
Profession de foi
«Vous n’aurez jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc (…). La sécurité et la stabilité de l’Algérie, et la quiétude de son peuple sont organiquement liées à la sécurité et à la stabilité du Maroc.» La phrase se veut une réponse enrobée et tardive à l’interpellation d’Alger au sujet des manœuvres diplomatiques du Makhzen, notamment au niveau de la réunion des pays Non-alignés où un document subversif a été distribué par le représentant marocain pour s’en prendre à l’intégrité territoriale de l’Algérie. Entreprise vaine mais très malintentionnée qui a provoqué le rappel de l’ambassadeur algérien en poste à Rabat ainsi que d’autres mesures qui n’ont pas été rendues publiques. Un incident suivi par les révélations sur les écoutes téléphoniques opérées par les services marocains au moyen d’un logiciel espion israélien (Pegasus) et qui a visé de hauts responsables algériens dont plusieurs ministres des Affaires étrangères.
L’ombre de Lamamra
Ces derniers jours, le Royaume chérifien a été démasqué sur la scène internationale et subit une contre-offensive algérienne, en cours et opérée notamment par la diplomatie, mesurée et sereine, qui dénonce ces dérives contre les intérêts des peuples de la région. Le périple africain de Ramtane Lamamra, revenu à la tête des Affaires étrangères, lui-même victime de l’espionnage marocain, inquiète au plus haut point Rabat. La Dgse marocaine n’ignore rien de l’aura du diplomate algérien qui a su fédérer les énergies contre la déstabilisation des pays souverains animée par le Makhzen, sous-traitant de puissances étrangères. Le roi Mohamed VI l’a manifestement compris et tente de freiner la riposte en évoquant soudainement le patrimoine commun anticolonialiste : «À sa plus proche convenance, j’invite le Président algérien à œuvrer à l’unisson au développement des rapports fraternels tissés par nos deux peuples durant des années de lutte commune». Lançant une «invitation sincère à nos frères en Algérie, pour œuvrer de concert et sans condition à l’établissement de relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage», Mohamed VI a comparé les deux pays à des «jumeaux» et a réitéré la demande de réouverture des frontières. «Entre deux pays voisins et deux peuples frères, l’état normal des choses, c’est notre conviction intime, est que les frontières soient et demeurent ouvertes.» Une façon de culpabiliser l’Algérie en évitant de rappeler les raisons objectives qui ont conduit Alger à procéder à stopper la circulation des personnes alors que Rabat venait d’imposer un visa aux ressortissants algériens. Des faits historiques que le roi considère comme «dépassés». Il s’agit, donc, d’un discours qui prétend prôner l’apaisement mais qui a occulté nombre de dossiers sensibles tels ces incessantes manipulations menées par Rabat contre la stabilité de l’Algérie, l’espionnage et le lobbying anti-algérien à Bruxelles ou aux Etats-Unis, les campagnes d’intox contre Alger au sujet des camps de réfugiés sahraouis à Tindouf… Une opération de communication qui ressemble plus à un recul tactique qu’à un mea culpa, le roi marocain ayant choisi le ton paternaliste plutôt que celui clairvoyant.
Nordine Mzala