Les pluies deviennent de plus en plus rares et la hantise d’une pénurie d’eau à l’échelle nationale se précise. Les hivers deviennent de plus en plus secs et doux, la neige ne bloque plus les routes en altitude comme par le passé. Les vents de sables sont assez fréquents et s’imposent comme indicateur incontournable du stress hydrique et de sécheresse. Le ciel est devenu avare de pluies et des hivers de plus en plus tempérés impactent les barrages et la réalimentation des nappes surtout au centre et à l’ouest du pays. Une vingtaine de wilayas sont d’ores et déjà en état de stress hydrique. L’Algérie est à l’orée dune crise de l’eau inédite dans son histoire. Le cumul des déficits en matière pluviométrique dépasse les 30% et devient de plus en plus contraignant.
Selon l’Agence nationale des barrages et transferts, le taux moyen de remplissage des barrages est de 44 %. Les 80 barrages actuellement en exploitation fournissent 7,7 milliards de m³ à l’ensemble du pays, le potentiel national global en ressources hydriques ne dépassant pas 23,2 milliards de m³ par an.
Sécurité hydrique menacée
L’Algérie est un pays au climat semi-aride dont la majeure partie du territoire est désertique. Elle ne compte ni grands fleuves ni montagnes enneigées en grand nombre. Les besoins du pays en eau, tous secteurs confondus, ne cessent d’augmenter alors que l’offre est limitée. Depuis l’indépendance du pays, si le nombre de la population a été multiplié par 4,5, la consommation d’eau l’a été par 40. Deux indicateurs à prendre en considération pour asseoir rapidement une stratégie de gestion de ce risque. Depuis des décennies des signaux d’alarme et d’alerte ont retentis sans réponse adéquate et faisable. Le classement de 2019 établi par l’organisation World Ressources Institute, classe l’Algérie au 29ème rang des pays menacés par la sécheresse. Depuis des années l’Algérie comptait parmi les pays les plus exposés à un stress hydrique à long terme sur le pourtour méditerranéen. La croissance démographique et l »urbanisation sauvage des terres ont accentué les vulnérabilités des potentialités hydriques du pays avec une option majeure de la raréfaction des ressources hydriques. Les changements climatiques accentuent cette menace et pérennisent la pénurie d’eau. La sécurité hydrique du pays est clairement menacée et entrainera la sécurité alimentaire dans son sillage.
Le dessalement, est-il la solution-miracle ?
Pour faire face à ce danger avec ses risques potentiels, les options ne sont pas nombreuses puisque c’est le dessalement qui semble être retenu à travers un dispositif de renforcement. L’objectif est de porter les capacités à 2 milliards de m³ à l’horizon 2024 alors qu’ils ne sont que de 600 millions par an actuellement. Les onze unités de dessalement actuellement en service dans neuf wilayas côtières vont être renforcées par le lancement de plusieurs nouveaux projets de dessalement. Ces nouvelles unités à proximité des agglomérations de Zeralda, Aïn Benian, Palm Beach et Bou Ismail alimenteront la capitale dont les besoins en eau sont toujours plus importants. L’option du dessalement de l’eau de mer est réputée très énergivore et l’eau produite ne semble pas être potable selon les citoyens qui en sont alimentés.
Dans le volet reste le problème de raccordement de ces stations au réseau local, régional et national. La possibilité d’alimenter les barrages en déficit permettra de réaliser des gains importants en réseaux de raccordement.
La réutilisation une option à prioriser
La stratégie repose sur la récupération des eaux épurées dont le volume annuel est estimé à 450 millions de mètre cube qui seront portés à 2 milliards de m³ par an à l’horizon 2030. L’Algérie compte 200 stations d’épuration des eaux usées et plusieurs nouveaux projets dans ce domaine seront lancés. Elles viendront appuyer celles livrées en 2020, à savoir 100 stations de traitement d’eau, 20 stations de déminéralisation et 13 stations monobloc de dessalement de l’eau de mer. Le lancement du programme national baptisé « Eco’Eau 2021 » avec comme but de lutter contre toutes les formes de gaspillage d’eau constitue une réponse adéquate mais urgente. Une campagne de lutte contre les raccordements illicites et les fuites d’eau va être lancée. Le rationnement d’un jour sur deux durant la période estivale est appliqué en plus du dessalement de l’eau de mer, de l’épuration des eaux usées, de la rationalisation de la consommation nationale, de l’exploitation des nappes aquifères du Sahara… L’Algérie doit trouver des alternatives fiables pour faire face à une crise de l’eau qui ne fera que s’accentuer avec l’arrivée de l’été et des grandes chaleurs.
Lutte contre le gaspillage
C’est le volet déterminant dans toute politique à long terme de gestion durable et équitable des ressources en eau. Le citoyen, vu le coût dérisoire du mètre cube n’y prête aucune intention. En juin, en juillet et en août on observe à longueur de journée et de nuit une utilisation irréfléchie de l’eau potable pour rafraîchir des routes, nettoyer des trottoirs, laver de voitures, accepter des fuites et laisser couler des litres d’eaux uniquement pour se rafraîchir le visage. Un comportement intolérable qui grève les potentialités rares et prive de nombreux citoyens à accéder à cette ressource indispensable. Deux autres volet de gaspillage impardonnables en matière d’utilisation de la ressource hydrique ; le premier a trait à la forte irrigation de cultures non stratégiques où le volume d’eau apporté dépasse de 2 à 4 fois les besoins comme les melons, les pastèques, Dans ce volet même l’arboriculture classée comme rustique bénéficie d’une irrigation anormalement élavée. Le second concerne les puits et les forages illicites dont l’utilisation n’est pas contrôlés et aucun comptage de l’eau n’est fait pour le facturer. Seule la vérité des coûts de revient et la véracité des prix permettront de gérer durablement cette ressource si rare et précieuse. Un inventaire de tous les gisements même chez les particuliers constitue la première action permettant de tirer la sonnette d’alarme sur les dangers et les risques de stress hydrique.
L. B.