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Entretien avec Abdelkader Haddouche, candidat dans la zone sud de la France

Propos recueillis par Nordine Mzala

Abdelkader Haddouche, vous êtes candidat aux élections législatives du 12 juin dans la Zone II, représentant le sud de la France. Présentez-vous… Et vos colistiers, qui sont-ils ?

En effet, nous sommes la seule liste indépendante dans toute la France. J’ai 50 ans, natif de Aïn Defla, marié à une Algérienne et père de deux enfants. Enseignant universitaire d’électronique et de génie électrique, titulaire d’un doctorat soutenu et obtenu avec une mention «très honorable» en 2005 à l’Université d’Aix-Marseille III. Je suis aussi un militant associatif assidu depuis 25 ans, président de l’Union des universitaires algériens et franco-algériens (Ufac), association très active à Marseille. J’ai été élu député de la communauté en 2012 jusqu’à 2017. A mes côtés, Djazia Leulmi, jeune titulaire d’une licence en sciences économiques, modeste mais très dynamique et engagée pour le pays. Khaled Debib,la cinquantaine, père de trois enfants, diplômé en sciences politiques. Il est aussi très impliqué dans le milieu associatif à Grenoble. Et enfin, Mhedy Sofiane Bougandoura, trentenaire, technicien supérieur en négociation relation client, animateur radio, travaillant dans le social (à la Mission Locale) comme animateur et militant associatif depuis de nombreuses années à Marseille. Un authentique Marseillais très attaché à son pays, l’Algérie, lui aussi !

Vous et vos colistiers avez choisi de participer en tant qu’indépendants à la compétition. Aucun des nombreux partis politiques algériens ne vous convient ?

A l’origine, je suis un militant du FLN, le Front de libération nationale, pour les mêmes raisons qui nous ont poussés à opter pour une liste indépendante cette fois-ci : Ne pas tomber dans le piège d’une obédience exclusive en préférant une structure ouverte où la seule exigence politique, c’est le patriotisme. Au FLN, héritier de la Révolution, tous les courants idéologiques qui cohabitent en Algérie étaient représentés. Je considère qu’on peut vivre ensemble en s’entendant sur un SMIG républicain qui place les intérêts de l’Algérie au-dessus de tout.

Pourquoi liste d’indépendants et non pas du FLN ?

Je dois préciser que c’est le défunt Abdelhamid Mhri qui m’a donné le goût de l’engagement politique. Aujourd’hui, force est de constater que nous sommes passés de l’époque de la rigueur organique, de la discipline politique et de l’exigence militante à la déchéance éthique, à la faillite intellectuelle, morale et politique.

En effet, le FLN, qui a connu Mehri (et d’autres) comme SG et qui était considéré et respecté par tous pour son engagement, sa vision, sa réflexion et sa probité, a connu, depuis 2013, des SG qui n’avaient ni l’envergure politique et intellectuelle ni  l’intégrité morale et encore moins la légitimité politique, hélas ! Le FLN traverse au moins depuis 2013 une crise de légitimité organique et politique sans précédent.

A chaque temps ses réalités. Les militants sincères ont vu le parti s’écarter ces dernières années de l’exercice politique dans une démarche de compromission avec les milieux d’affaires. Au détriment des patriotes, au détriment de la patrie. Le scandale des élections législatives de 2017 et de la chkara, le fonctionnement actuel du parti avec une direction illégitime et incapable de remettre de l’ordre dans la maison sont autant de signes qui prouvent que le FLN, dans sa version actuelle, reste en total décalage avec la Nouvelle Algérie que nous voulons construire dans le respect des valeurs de Novembre et dans la dynamique de changement du 22 février 2019… En préférant une liste indépendante, nous avons pu, mes colistiers et moi,  fédérer nos énergies pour une convergence de points de vue que l’on pense pragmatique et profitable pour nos ressortissants établis à l’étranger ou en Algérie.

Votre programme est ambitieux : impliquer davantage la diaspora dans le développement économique, l’investissement, la préservation de la culture et de l’identité, le lobbying diplomatique, le soutien aux ressortissants les plus vulnérables… N’est-ce pas surévaluer le rôle du député ?

Non, au contraire ! L’Algérien, selon nous, n’est jamais assez ambitieux par rapport aux autres communautés nationales qui n’ont ni le même parcours révolutionnaire ni le potentiel économique du sous-continent que l’Algérie constitue en tant que plus grand pays d’Afrique aux ressources naturelles extraordinaires. Sans sous-estimer le capital humain, essentiel. Toutes les diasporas jouent ou tentent de jouer un rôle positif pour leur mère-Patrie. Les Algériens sont en retard en la matière. Il faut qu’on se réveille et qu’on profite du savoir-faire de chacun. Le transfert technologique peut se réaliser en partie grâce à l’expertise de nos compétences qui évoluent dans les domaines les plus pointus à travers le monde. Il faut cesser de stigmatiser les binationaux, de marginaliser les scientifiques, les techniciens, les chercheurs, les artistes, les sportifs… L’Algérie d’aujourd’hui a besoin de tous ses enfants. C’est le rôle du député au mandat national que de légiférer pour une insertion stratégique de notre diaspora dans le développement du pays. Personnellement, je dis parfois, en blaguant, que si je pouvais rapatrier les descendants des Algériens déportés de Cayenne, je le ferai. Et il suffirait de se rapprocher de ces lointains Algériens pour se rendre compte qu’ils ne demandent que cela. L’attachement à la Patrie algérienne dépasse toutes les théories politiques ou sociales. Il faut capitaliser ce lien sacré, presque mystique, pour servir notre Algérie sauvée de la disparition grâce au combat anticolonialiste de nos aînés. Cela n’est pas un discours. C’est l’Histoire. Notre programme, certes ambitieux, demeure réaliste.

Vous évoquez le 22 février 2019, la naissance du Hirak. Ne pensez-vous pas que le climat de protestation qui persiste et le front du boycott au nom du Hirak discréditent votre participation ?

Comme le patriotisme, le Hirak n’est le monopole de personne ! Nous nous sommes soulevés pacifiquement, dans l’unité, contre le cinquième mandat et pour un changement catégorique dans la gestion de la res publica, la chose publique, comme l’appelaient les Romains. Depuis ce jour historique du 22 février, il faut le reconnaitre, de grands chamboulements ont été opérés dans le fonctionnement de notre pays. Des intouchables ont été rattrapés par la Justice, de nouvelles règles ont été établies, une nouvelle Constitution a été adoptée par référendum populaire, prenant pour référence les exigences du Hirak en plus des constantes de Novembre qui restent immuables… Le chef de l’Etat s’est engagé à renouveler les instances élues progressivement. La dissolution d’une assemblée issue de la chkara et l’organisation d’une élection anticipée ouverte à tous est aussi une revendication populaire du 22 février. Au peuple aujourd’hui de s’engager dans le grand chantier de réforme en se soumettant au jeu démocratique universel. Sans chantage ni fantaisie. Mes colistiers et moi nous nous soumettons à la volonté des électeurs sans mentir ni tricher. Celui qui voudra boycotter les élections est libre de ne pas se rendre au consulat ou au bureau de vote. Il faut donc accorder la même liberté à celui qui veut voter et soutenir notre liste pour un mandat d’action et de résultats. Pour ma part, je veux être le député de l’UNITE et de l’ESPOIR.

Le Hirak ne doit pas devenir un mouvement populiste et nihiliste mais il doit être une force réaliste et pragmatique de propositions. Pour nous, entre le populisme de certains et nihilisme des autres, nous, nous avons fait le choix du réalisme politique. Car un changement politique profond nécessite en effet d’une volonté politique réelle de la part de ceux qui détiennent la décision amis aussi de la sagesse et de l’esprit de responsabilité, du sens de l’intérêt général et de la Patrie.

La dynamique de février 2019 doit bâtir l’Algérie de nos enfants, prospère et ouverte sur le monde, à la hauteur de ses potentialités et de sa densité historique.

Comment s’est déroulée cette première semaine de campagne ? On vous a vus sur Facebook activer dans des quartiers de Marseille…

Votre attention nous rassure et confirme la toute puissance des réseaux sociaux. En effet, nous agissons sur le terrain en essayant de répercuter ces moments de contacts avec notre communauté à travers les réseaux sociaux. La France sort à peine du confinement, nous menons une campagne de proximité dans la mesure du possible. Campagne pour la participation d’abord, campagne pour notre liste évidemment ! Pour l’instant, tout va plutôt bien, de nombreux jeunes nous ont surpris en nous accordant une écoute attentive, en nous confiant leurs tourments, des personnes d’âge mûr nous ont fait part de leurs soucis. Beaucoup nous ont assurés de leur soutien. Les plus critiques vis-à-vis du scrutin qui ont dialogué avec nous ont reconnu la cohérence de notre démarche, de notre engagement. C’est une première réussite quand on défend la stabilité de l’Algérie, la culture de la tolérance, le rêve démocratique. Il y a tout de même un fossé entre les discours du Net et la réalité. Les élections législatives du 12 juin sont un enjeu de rupture qui suscite des réactions diverses entre les participationnistes et les boycotteurs sans oublier la frange des indifférents. Nous savons que les absents auront encore un fois tort et nous serons, pour notre part, présents ! En espérant la présence du maximum d’électeurs pour le bien de notre Algérie à tous.

 

Nadir K

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