Le phénomène de la violence à l’égard des femmes continue à faire des victimes qui engendrent chez ces dernières des problèmes de santé publique, mentale et autres. En Algérie, en 2020, les services de police ont fait état de l’enregistrement de 6 418 cas de violences faites aux femmes, lors des onze premiers mois de l’année, contre 6 787 durant la même période de 2019, soit une baisse timide de 5,43% , selon le Bureau central de la protection des personnes vulnérables, au sein de la direction de la police judiciaire.
Joint par nos soins, le psychiatre Boudarene Mahmoud a d’abord évoqué les origines de la violence à l’encontre des femmes. D’après lui, cette violence remonte à l’aube de l’humanité. «En effet, à leur origine, les sociétés humaines considéraient la femme comme un bouc émissaire et en faisaient un objectif sacrificiel, une violence sacrée qui avait pour objectif de conjuguer celles-ci aux autres violences qui pourraient mettre en danger de disparition, la communauté. Si les sociétés humaines ne possèdent plus, de nos jours, au sacrifice de la femme, cette dernière n’en est pas moins le maillon faible.
Elle conserve dans l’organisation des sociétés traditionnelles un rang inférieur à celui de son homologue masculin et continue d’être l’objet de toutes sortes de violence plus ou moins apparentes» indique-t-il. Et d’ajouter dans le même ordre d’idée : «si les sociétés occidentales ont relativement évolué et mis en place des mécanismes sociaux qui protègent de toutes formes d’agression le sujet de sexe féminin, dans notre société, les pesanteurs sont encore présentes. Elles pèsent sur le destin de la petite fille et de la femme en devenir.
Il est vrai que la petite fille n’est plus, aujourd’hui, enterrée vivante, mais il n’y a pas si longtemps encore, les familles préféraient que celle-ci soit, à sa naissance, jetée avec la paille ». « Les femmes, poursuit-il, en ce temps n’avaient pas de draps, elles accouchaient sur de la paille.
Ce propos de terroir témoigne du désir commun de meurtre symbolique de la petite fille, une forme de violence extrême qui habite les mœurs de la société traditionnelle, qui est intégrée par tous, y compris par les femmes elles mêmes, comme un argument de protection pour le groupe social, celui-ci, a en effet, besoin dans ses rangs – pour des raisons économiques et de pouvoir notamment , pour sa survie – de sujets de sexe masculin». Le psychiatre a salué les efforts des associations de la société civile, qui, selon lui militent contre ce phénomène. Ce qui a fait qu’il n’est plus un sujet tabou, dans la société.
Pour M. Boudarène, «le fruit de leur combat est là, les violences faites aux femmes dans la cité, dans leur lieu de travail, ou dans leur milieu familial, sont aujourd’hui dénoncées et les pouvoirs publics mis devant leur responsabilités ». « Il reste que, précise notre interlocuteur, la société doit évoluer. Il appartient au mouvement associatif d’aller vers celle-ci pour l’amener à changer son regard sur la femme et sur la place que cette dernière occupe au sein de la communauté et à l’Etat de mettre en place les conditions indispensables pour que le sujet de sexe féminin puisse évoluer sans contraintes et librement à l’intérieur de son foyer, dans la cité, et dans le milieu de travail ». « De ce point de vue, des efforts ont été faits, notamment sur le plan de la loi cela est indéniable», note-t-il.
En réponse à une question liée aux dispositions nécessaires prises par les pouvoirs publics pour atténuer un tant soit peu ce fléau, Dr Boudarène explique que si les violences faites aux femmes sont fréquentes dans la société, c’est parce que les femmes de façon convenue sont sous la dépendance et la domination des hommes. «Ces derniers forts de leur mentalité, légitimée par les valeurs patriarcales succombent plus facilement à la tentation du passage à l’acte violent», relève-t-il.
S’agissant des solutions envisageables, le psychiatre précisé que le phénomène de la violence est un problème de société, de culture, et de mentalité. D’après lui, il est impératif que la société évolue et qu’elle se civilise en quelque sorte et que l’homme se rende compte que la femme est un être humain point par point identique à lui-même.
« Il faudrait que la société algérienne s’apaise et que la violence ordinaire, c’est-à-dire celle qui s’exprime au quotidien disparaissent », dit-il fot à propos et d’enchainer : «il faut d’abord lutter contre la violence sociale, qui s’est emparée de notre société ». « L’école, le mouvement associatif et la société civile ont un rôle fondamental à jouer dans ce domaine.
L’Etat doit faire également en sorte que les ingrédients, le terreau qui font le lit de la violence sociale disparaissent», souligne- t-il. En guise de conclusion, Dr Boudarène Mahmoud estime que la société algérienne ne trouvera pas son épanouissement et ne s’apaisera pas si elle continue à humilier les femmes en les forçant à la soumission et à la domination éternelle de leur homologue masculin. «L’évolution de la société est nécessaire, c’est une exigence civilisationnelle».
Samia Acher