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Mohamed Benarbia, DG de Salama Assurances «Nous assurons une qualité de service irréprochable»

Entretien réalisé par S. Chaoui

Crésus : Quelles ont été les répercussions de la pandémie de Coronavirus  sur vos activités ?

Mohamed : Il y a eu des conséquences négatives de cette crise sur nos activités qui se sont traduites par une chute du portefeuille de l’ordre de 15% c’est-à-dire l’équivalent de 700 millions de dinars. Ces conséquences ont particulièrement touchées le secteur des particuliers et comme vous le devinez c’est lié aux mesures de confinement qui ont touché au début la wilaya de Blida où nous avons plus d’une dizaine d’agences donc qui a été confinée pendant plusieurs mois.

D’autre part, quand le confinement s’est généralisé à travers les autres wilayas, il y a certains clients qui possèdent deux trois véhicules, avec le confinement ils se sont contentés d’utiliser un seul véhicule, cela a réduit l’utilisation de la voiture et par conséquent ça a impacté en premier le secteur des particuliers et de l’autre côté ça a impacté le secteur des entreprises. Comme vous le savez, il y a plusieurs activités qui ont été frappées par l’arrêt des activités, par des fermetures, notamment les activités qui reçoivent le public, les transporteurs.

Nous avons enregistré parfois le non renouvellement des polices d’assurances, dans certains cas, la suspension des garanties quand, les contrats ont été suspendus et dans d’autre cas une continuité mais avec une réduction des valeurs assurées.

Lorsqu’une unité industrielle est en activité, elle a la matière première et le produit fini qui sont stockés. Lorsqu’elle est en arrêt d’activité, il y a ou l’un ou l’autre qui sont stockés ou parfois rien sauf les équipements. Voilà à peu près l’impact sur le chiffre d’affaires. Maintenant, il y a également l’impact sur le mode opératoire de la continuité de service. On était obligés de s’organiser en conséquence, notamment avec la période de confinement. Nous avons subdivisé nos équipes afin de permettre un travail en alternance et avons favorisé le télétravail lorsque cela été possible afin de réduire la présence du personnel et éviter les éventuelles contaminations.

Certaines activités ont pu être totalement gérées par télétravail notamment par les femmes et les personnes qui vivent loin quand le transport était à l’arrêt.  Nous avons également mis en place un protocole sanitaire strict que cela soit à l’intérieur des agences ou même entre nos différentes agences et directions afin d’éviter les déplacements non nécessaires et préserver au maximum la santé de nos employés. Ceci nous a permis d’identifier des cas contacts et les mettre en confinement. Cela nous a permis de gérer l’évolution de la pandémie au sein de nos locaux, mais il y a eu hélas en dépit de cela 4 agents généraux dont un chef d’agence qui ont été emportés par la Covid19.

Aucune assurance n’a prévu dans les clauses de son contrat la possible irruption d’une épidémie et encore moins d’une pandémie planétaire. Allez-vous revoir vos contrats d’assurance en ce sens-là ?

C’est déjà en cours mais pas dans le sens que vous sous-entendez. Comme à travers le monde entier, il y a eu ce problème de couverture du risque pandémique. En Algérie, nous utilisons les clauses qui sont utilisées dans le monde entier donc c’est un risque qui n’est pas assurable, il est exclu. Néanmoins le risque étant exclu mais à défaut de clauses bien rédigées, vous risquez d’avoir des problèmes avec les clients et c’est un problème que vit actuellement Axa en France.

Il y a une clause qui a été considérée comme étant ambiguë et sur cette  base, l’assureur est en train d’être condamné par certaines juridictions françaises. Donc les réassureurs au niveau international après l’apparition de la crise du Covid 19 ont passé en revue les conditions générales de leurs polices d’assurance et nous ont demandé d’inclure des clauses dédiées à l’exclusion de la pandémie de covid19 pour qu’elle soit précisée de manière claire et explicite pour ne pas laisser la place au doute.

D’autre part, il y a une réflexion qui a été entamée au niveau de l’union des assureurs et réassureurs pour dire que le risque pandémique devient fréquent. En Afrique du nord, c’est peut être la première fois qu’on est touchés mais les pays du Sud-est asiatique sont habitués à ce genre de risques. Par voie de conséquence, les gens ont commencé à réfléchir à un modèle assurantiel. Donc nous sommes en train d’y réfléchir, il y a un premier travail qui a été fait au niveau de l’UAR pour dire quel serait le meilleur moyen pour pouvoir se couvrir contre ce risque ou ne serait-ce qu’atténuer l’impact des dommages causés. Le couvrir totalement  peut-être que c’est impossible mais au moins essayer de réduire les effets négatifs de ces conséquences.

A ce propos, comment se portent les provisions techniques de Salama Assurances ?

Les provisions sont quelque chose de très important dans les assurances, les provisions techniques constituent 70% des bilans des compagnies d’assurance. Nous considérons que nos provisions techniques sont les mieux évaluées au niveau du marché. Pourquoi ?  Parce que tout d’abord en comparaison aux sociétés qui ont la même taille, elles se retrouvent avec des provisions largement inférieures aux nôtres d’une part, ce qui pose un problème. D’autre part, nos provisions techniques sont certifiées annuellement par un actuaire. Ce qui n’est pas le cas des autres sociétés sur le marché.

Nous sommes la seule société à faire certifier nos provisions techniques par un actuaire, nous l’avons fait pour 2018, 2019 et  pour l’exercice 2020, l’actuaire de renommée internationale va commencer ses travaux incessamment. En 2018 une copie du rapport a été transmise au régulateur, au niveau de la direction des assurances du ministère des finances. Et nous continuons à le faire volontairement car la réglementation algérienne ne l’impose pas. Ainsi nous développons les ‘best practises’ au niveau de la compagnie, car nous considérons que c’est important pour nous. Nous nous rapprochons des standards internationaux dans la structure de nos résultats. Car notre résultat est essentiellement constitué des produits financiers et les produits financiers sont les produits des placements, et nos placements dépendent essentiellement des provisions techniques constituées et plus les provisions techniques sont mieux évaluées, elles sont plus importantes et par voie de conséquence elles rapportent plus. Il existe une différence de 1 à 4 quand on compare notre société aux concurrentes. Nos provisions représentent 4 fois celles de nos concurrents alors que nous dédommageons les sinistres plus que nos concurrents et ce durant plusieurs années. Cela veut dire qu’il y a un problème sur le marché concernant la constitution des provisions techniques.

On remarque que le secteur privé – tant les banques que les assurances – commence à investir de plus en plus dans le secteur charaïque, est-ce un secteur porteur en Algérie ? Comment s’explique cet engouement ?

Salama assurances  est une société charaïque, une société takaful. C’est la seule société des assurances dommages qui est conforme à la charia. L’engouement envers les produits de la finance islamique est quelque chose de normal étant donné qu’il a été enregistré à travers le monde entier.

En Algérie, à l’instar de tous les autres pays, il y a cet engouement car une frange importante de la société considère que les produits classiques ne répondent pas à leurs attentes ou conception des choses. C’est pour cela que Salama enregistre les taux de croissance les plus forts du marché, une bonne partie de ce taux est dû au fait que nous proposons des produits islamiques d’une part et d’autre part nous assurons une qualité de service irréprochable. Ce sont les deux facteurs qui ont fait en sorte que notre taux de croissance a tout le temps été supérieur de 5-6 points du taux moyen du marché.  Cet engouement aurait pu être plus important s’il n’y avait pas eu des contraintes juridiques qui sont en train d’être levées. Si demain il y a un cadre juridique bien défini qui encadre correctement l’opération, je pense qu’il y aura beaucoup plus de personnes enthousiasmées par la finance islamique et particulièrement l’assurance Takaful.

Justement en parlant de l’assurance Takaful, quels sont les avantages de cette assurance par rapport aux produits ‘classiques ‘ ?

Les avantages résident premièrement dans le fait que vous avez un produit conforme à la chariaa, deuxièmement l’assureur est aussi preneur de risque. Dans le cas de l’assurance takaful il y a une grande ressemblance avec le mutualisme. Le takaful c’est le mutualisme plus la conformité à la charia. Ceci facilite la couverture de groupes mais aussi des groupes fortement sinistrés qui sont généralement frappés d’un surcoût chez les assureurs classiques. Car les assureurs classiques sont des sociétés qui cherchent à faire des bénéfices. Le mutualisme par contre, c’est une organisation qui permet de partager les risques. Il est plus simple pour les gens à forte sinistralité de partager les risques au sein d’un groupe ou au sein d’une mutualité que d’aller s’adresser à une société classique.

Le troisième élément est dans la structure elle-même de l’assurance takaful, c’est que le client peut toujours bénéficier de ristournes lorsque le résultat enregistré est techniquement excédentaire. Quand il y a des excédents techniques, les assurés peuvent bénéficier de ristourne et par voie de conséquence ils voient leur niveau de primes réduit. Ce sont généralement des paiements en liquide ou des réductions qui seront faites sur les primes de renouvellement.

Aussi, le takaful peut s’adapter à tous types de biens, de situations et de produits. C’est pour cela que nous proposons le general takaful et le family takaful.

Il faut vulgariser pour que les gens comprennent la véritable signification du takaful car il y a beaucoup de fausses idées qui circulent la dessus tant pour les assurances que les banques islamiques.

Quels sont vos projets  pour les mois à venir ?

Nous avons un projet d’adaptation à l’assurance takaful qui est en train d’être  examiné par le gouvernement. L’avant dernier conseil des ministres a traité le décret relatif à la mise en place des assurances takaful et donc la promulgation du texte va se faire dans les prochains jours. Actuellement, nous travaillons d’arrache-pied pour être au rendez-vous afin de nous adapter à la nouvelle réglementation. Comme je l’ai dit, nous sommes la seule assurance takaful du marché, nous ne pouvons pas nous permettre d’être en retard par rapport à la conformité aux nouveaux textes. Nous avons commencé une formation en interne pour l’ensemble du personnel de la société pour que tout le monde puisse distinguer entre les principes de fonctionnement des assurances takaful et classiques. Nous sommes aussi en train de travailler sur les aspects techniques et comptables pour pouvoir être prêts lors de la mise en application des nouvelles dispositions réglementaires.

Est-ce qu’il y a quelque chose que vous souhaitez ajouter ?

Je voudrais signaler que nous n’avons jamais utilisé le cachet takaful comme argument commercial. Nous l’annonçons afin que nos clients sachent à quoi s’attendre dans nos prestations. Nous focalisons surtout sur la qualité de service, le professionnalisme de nos équipes et les délais de règlement au niveau de nos sociétés sur le territoire national.

Nous avons beaucoup de contraintes en termes de placements financiers étant donné l’absence d’instruments financiers spécifiques à la finance islamique, avec la réglementation qui oblige à ne pas placer tous nos placements au niveau d’une seule banque. Nous avons une difficulté à diversifier nos investissements étant donné l’absence d’autres alternatives. Nous souhaitons que les choses évoluent pour avoir plus de possibilités de placements et d’outils spécifiques. Les soukouk seraient déjà une bonne avancée.

Je voudrais ajouter que la finance islamique a commencé au niveau de plusieurs banques privées et publiques. Mais on remarque que pour les produits de financements, donc tout ce qui est financement des investissements, les assurances ne sont pas toujours des assurances conformes à la charia. Ceci entache la transaction qui a pour principe l’obligation de conformité à la charia de  tout le processus. Donc y compris le côté assurance.

Nous mettons nos services et produits à la disposition des banques publiques notamment qui ont lancé l’opération de la finance islamique au niveau de leurs guichets pour les informer de la disponibilité de Salama Assurances à développer avec eux un partenariat qui permettra de mettre nos produits à leur disposition avec des prix étudiés.

Ainsi nous pourrons signer éventuellement des conventions de coopération, ce qui permettra de développer et de faciliter la chose aux clients des banques.

S.C.

Nadir K

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