Dans l’entretien accordé à Crésus, le professeur Mustapha Chelghoum, enseignant en pharmacie hospitalière et gestion pharmaceutique au département de pharmacie à l’université de Sidi-Bel-Abbès a indiqué que l’Algérie possède les capacités pour assurer les dernières étapes de la production du Spoutnik V, à savoir le remplissage et le conditionnement et la partie biologique qui nécessite un engineering pharmaceutique spécifique. Il a par ailleurs souligné que l’efficacité des vaccins n’est évaluée que sur la base des résultats d’essais cliniques et qu’elle consiste à faire une lecture critique des données publiées sur cet essai.

 Crésus : Qu’en est-il  de la polémique concernant l’efficacité des vaccins qui sont sur le marché ?

«Il s’agit bien d’une polémique, et c’est tout à fait normal, vu le contexte actuel de la Covid 19. Mais en réalité, la question de l’efficacité des produits pharmaceutiques, y compris les vaccins, est claire. L’efficacité n’est évaluée que sur la base des résultats d’essais cliniques, et évaluer l’efficacité consiste à faire une lecture critique des données publiées sur cet essai, pour connaître le niveau de preuve fourni. Ce travail de critique est fait par des documentalistes spécialisés, dans les comités scientifiques (comme celui du comité de la Covid 19, et dans les instances de régulation.

Ensuite choisir un vaccin par rapport à un autre, dépendra d’autres éléments, comme la disponibilité, le coût, etc.  C’est ce qui constitue l’efficience. Il existe un autre paramètre à prendre en considération, celui de  l’acceptabilité de la vaccination. Selon  des études réalisées récemment, il a été relevé que certains facteurs influencent la volonté à se faire vacciner comme la recommandation du médecin traitant, la vaccination antérieure contre la grippe, et aussi les croyances générales en matière de vaccination, ainsi que les croyances et attitudes concernant la Covid 19.

Quel sera l’impact de la vaccination sur l’économie de l’Algérie, une fois la majorité de la population vaccinée ?

L’économie mondiale en général, et en Algérie particulièrement a été affectée par la pandémie de la Covid 19 principalement suite aux mesures visant à limiter l’agglomération et le contact des personnes qu’il faut prendre en considération. Il existe deux types de vaccins, le premier vise à éradiquer la pathologie, avec ce type il y aura moins de cas de personnes atteintes et le deuxième type vise à rendre la pathologie non agressive, les cas porteurs sont là mais il n’y a pas de formes sévères.

Le résultat d’une campagne de vaccination n’est perçu immédiatement qu’une fois la couverture vaccinale atteinte (vacciner un certain pourcentage de la population), il faut attendre quelques mois pour avoir un résultat. Le virus peut subir des mutations certaines pouvant affecter l’efficacité du virus, d’où la nécessité de refaire ou inclure plus de patients dans les essais cliniques.

Les mesures barrières doivent être toujours respectées. En résumé, la vaccination contribuera sans doute à diminuer l’impact négatif de la pandémie, néanmoins le monde doit apprendre à vivre avec ce virus, et tirer les leçons sur la fragilité du système de santé surtout en matière d’éducation sanitaire, de hiérarchie de soins, et de ressources humaines.

Un commentaire sur la production du vaccin Spoutnik V en Algérie?

La production d’un vaccin comporte différentes étapes,. Les étapes de production de la matière première, notamment la partie biologique, nécessite un engineering pharmaceutique spécifique. Il existe déjà des opérateurs spécialisés dans ce genre de produits. Il convient juste d’étudier l’impact économique.

Pourriez-vous nous donner des précisions sur les produits innovants ?

Il s’agit de produits pharmaceutiques apportant une alternative thérapeutique pour des patients, dont le traitement actuel n’est pas efficace ou carrément absent. Ce sont des médicaments biologiques (la production ne se fait pas par une synthèse chimique, mais à partir de culture cellulaire), dont la recherche et la production sont très coûteuses. Par conséquent,  leur prix d’introduction sur le marché est très important. Ce qui pose un problème d’accessibilité.

Leur intérêt n’est pas seulement sur l’efficacité, mais sur ce qu’il apporte comme amélioration de la qualité de vie des patients, et comme économie sur des dépenses non médicales comme les frais d’hospitalisation et des dépenses indirectes comme la productivité. Au vu de leur prix élevé d’une part et surtout de l’importance de les avoir dans notre arsenal thérapeutique d’autre part, il est important de trouver d’autres sources de financement pour certaines pathologies, et d’adopter d’autres types de contrat avec les fournisseurs de ces produits comme les contrats de performance, prix-volume…

Propos recueillis par Samia Acher