Thierry Lambert est expert en finance et délégué interministériel à la transformation publique en France. Dans l’entretien qui suit, il nous donne un aperçu de la situation sanitaire en France suite à la pandémie de Coronavirus et au début de la campagne de vaccination contre la Covid. Il révèle notamment les nombreux obstacles auxquels doit faire face le gouvernement français.
Propos recueillis par S. Chaoui
Quelle est la situation sanitaire en ce moment en France ?
La Covid en France actuellement est très problématique parce qu’on est comme tout le monde, les yeux rivés sur les variants qui semblent aggraver la contamination. Deuxième chose, nous avons un très gros souci avec la vaccination puisque nous sommes dans une période où on n’a pas suffisamment de vaccins et donc cela nous pose beaucoup de soucis puisque des gens ont été convoqués par exemple pour être vaccinés et on a dû reporter les rendez-vous à une date ultérieure. Il y a beaucoup d’incertitudes sanitaires mais aussi beaucoup d’incertitudes économiques. La question est de savoir si l’on va confiner, reconfiner, fermer ou ne pas fermer. Par conséquent, chaque jour il y a beaucoup de questions et pas forcément les réponses qui vont avec. La grande préoccupation c’est la vaccination.
Il parait que les français n’acceptent pas le confinement même si c’est une problématique sanitaire d’envergure mondiale…
Oui, il devient de plus en plus compliqué de confiner les gens parce qu’on a eu un premier confinement réalisé et assez bien supporté, tout le monde pensait qu’on en avait fini, qu’on était sortis de la crise. Puis il y a eu un deuxième épisode et là un troisième qui risque d’arriver.
Les gens ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas pourquoi à la fois on leur dit vous pouvez prendre le métro pour aller travailler mais vous devez rentrer à la maison à 18 heures. Ils ne comprennent pas pourquoi on ne peut pas aller au cinéma alors qu’on peut aller faire les courses dans les grandes surfaces, pourquoi on envoie les enfants à l’école tout en leur précisant qu’il faut prendre un maximum de précautions.
Donc il y a une grande confusion, fatigue et lassitude de la population avec des secteurs particulièrement sinistrés, je pense à la restauration, aux bars et cafés. La France sans ces cafés ce n’est plus tout à fait la France.
Est-ce qu’aujourd’hui la France a son vaccin ou elle va se rabattre comme l’ont fait les hongrois, ou les allemands sur le vaccin russe qui est seul sur le marché mondial à ce jour?
En France, la situation est particulière en ce sens qu’il y a une partie de la population que l’on chiffre à peu près à 12%-15% qui en aucun cas ne veulent se vacciner. C’est-à-dire qu’on a des gens qui sont hostiles par principe à la vaccination. Mais il y a quand même 88% de la population qui est favorable à la vaccination. Ce qui fait que manifestement on n’a pas le nombre suffisant de vaccins dans la mesure où il faut deux injections et pas une seule.
Hier, on a atteint 1.800.000 personnes vaccinées sur 69.000.000, ce qui est peu. Nous sommes en rupture de vaccins. Contrairement à d’autres pays tels que l’Inde, les USA, la Chine, nous n’avons pas notre propre vaccin. Nous dépendons sans le vouloir des producteurs de vaccins étrangers, ce qui pose un problème en termes d’indépendance sanitaire et nationale. La France aujourd’hui n’a pas son propre vaccin, Cuba possède son vaccin mais pas la France !
On dit que la France produira son propre vaccin à l’horizon 2022. Les gens commencent à travailler même avec des boites aussi grandes que Sanofi…
Sanofi c’est quelque chose de très particulier, c’est une grande entreprise qui a bénéficié d’aides publiques et de fonds publics, d’argent et de crédits diverses et Sanofi a quand même fermé son secteur recherches. Ils ont liquidé le secteur de la recherche et c’est un vrai scandale en France. Les pouvoirs publics ne veulent pas se mêler de ce qui se passe chez Sanofi, c’est bien dommage car Sanofi vit avec des fonds publics.
En France, le budget alloué à la recherche est le budget le plus faible et ce n’est pas nouveau…
Oui, il est clair que nous ne sommes pas à la hauteur de nos concurrents et partenaires européens. On dispose pourtant d’outils juridiques, par exemple le crédit de recherche pour les entreprises qui leur fait bénéficier d’une réduction d’impôt suite à des investissements sauf qu’on ne met pas assez d’argent sur la table.
Si on regarde l’occident de façon générale, l’occident dépose moins de brevets, il vieillit, il est moins innovant, si on le compare avec ce qui se passe en Asie. Donc on est sur une pente déclinante. Le fait que la France ne soit pas capable de produire son vaccin illustre ce déclassement. La France est l’emblème du déclassement !
S.C.