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1 739 dossiers des victimes algériennes des essais nucléaires français déposés: Un seul dossier accepté à ce jour

Le dossier des victimes algériennes des essais nucléaires français n’a pas pris trop de place dans le rapport de Benjamin  Stora remis il y a quelques jours au président français Macron. Pourtant c’est l’un des chauds dossiers sur lesquels la partie algérienne va devoir se concentrer, car la question est éthiquement et moralement essentielle dans la normalisation des rapports.

Un seul dossier algérien a été, à ce jour, agréé par le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) créé par la loi Morin. Une seule indemnisation sur les 545 accordées au total.

Les rares dossiers reçus d’Algérie (52 seulement sur un total de 1 739) sont tous mal ficelés, incomplets, «à côté de la plaque». Pourtant, des milliers d’Algériens résidant à proximité de Reggane ou d’In-Ekker, ex-employés sur les sites durant la période concernée (1960-1967)- remplissaient, eux, les conditions et seraient aisément éligibles. Or, leurs dossiers ne parviennent quasiment pas au Civen.

Alain Christnacht, le président du comité déplore cette situation : «Il y a un biais quelque part. L’information n’est pas diffusée sur place et nous n’avons pas en Algérie d’interlocuteurs comme en Polynésie française» dit-il.  Selon lui, le problème naîtrait donc de «l’absence d’encadrement politique ou associatif» des victimes algériennes, pour l’essentiel des populations sahariennes laissées pour compte.

Il existe certes quelques associations comme l’Association du 13 février 1960 à Reggane ou l’Association des victimes de Taourirt à In-Ekker  mais elles sont dépourvues de moyens pour ficeler des dossiers répondant aux critères de la loi Morin.

Quant aux propositions de coopération franco-algérienne en la matière, elles ne trouvent guère d’écho. «Nous avons proposé d’aider matériellement les associations algériennes mais nous n’avons eu aucun retour», regrette Jean-Luc Sans, le président honoraire de l’Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), dont l’activisme a réussi à imposer la question de l’indemnisation dans le débat public en France.

La France ne quittera pourtant pas totalement le Sahara au moment du démantèlement des sites nucléaires, en 1967. En septembre 2020, deux experts français en désarmement, Patrice Bouveret et Jean-Marie Collin ont appelé dans une tribune publiée lundi dernier dans le journal Le Monde, le gouvernement français à «collaborer» avec les autorités algériennes afin que «soient retrouvées les matières radioactives enfouies dans le sud algérien» en conséquence des 17 essais nucléaires effectués par la France : «Plus de cinquante ans après le dernier essai nucléaire français au Sahara, le passé nucléaire de la France ne doit plus rester enfoui dans les sables.

Il est temps de déterrer les déchets provenant des 17 essais réalisés entre 1960 et 1966 par la France au Sahara, pour assurer la sécurité sanitaire des générations actuelles et futures, préserver l’environnement et ouvrir une nouvelle ère des relations entre l’Algérie et la France», font-ils remarquer.

Patrice Bouveret et Jean-Marie Collin notent que si la mise en œuvre de certaines mesures dans le cadre de cette collaboration «nécessitera du temps (expertise radiologique, étude sanitaire sur le risque transgénérationnel), d’autres peuvent être engagées sur simple décision politique».

Ainsi, la ministre française des Armées «peut rapidement transmettre aux autorités algériennes la liste des zones d’enfouissement des déchets», recommandent-ils, relevant que «cette demande est désormais relayée par des députés».

Ils soulignent que la France doit fournir à l’Algérie «l’aide technique» et «l’apport d’informations sur les zones où elle a enterré les déchets» et rendre, ainsi, «pleinement possible» la mise en œuvre des différentes obligations du traité. Ils relèvent que la présence sur les sites des essais de matériel contaminé par la «radioactivité  volontairement enterré» et de matières radioactives (sables vitrifiés, roches contaminées) issues des explosions nucléaires présentes à l’air libre reste un sujet «tabou» en France.

Selon eux, la présence des déchets radioactifs « engendre des risques sanitaires importants pour les populations locales, les générations futures, tout comme pour l’environnement», ajoutent les deux experts qui ont réalisé une étude qui dresse un premier inventaire de l’ensemble de ces déchets, radioactifs ou non, abandonnés par la France. L’étude a été élaborée sur la base de témoignages, de visites de terrain et de recueil de documents, dont un rapport classé «confidentiel défense», versé aux archives du ministère français de la Défense.

Les deux experts considèrent que l’opposition frontale de la France au TIAN «ne peut pas être un argument» pour conserver encore plus longtemps des données susceptibles de mettre un terme à un problème humanitaire :  «De plus, cela serait un contresens au processus de réconciliation entre les peuples français et algérien, selon les mots du président Emmanuel Macro», font-ils remarquer : «Comment ce travail mémoriel pourrait-il laisser de côté plusieurs dizaines de milliers d’Algériens (…) qui ont participé (ndlr: à leur corps défendant) à cette sombre aventure atomique et qui en subissent encore les effets ?», s’interrogent-ils.

De même, certains critères de la loi Morin (relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français) «doivent être revus, comme cela a été le cas en Polynésie, pour permettre enfin aux populations victimes en Algérie de déposer un dossier d’indemnisation», préconisent-ils : «Il est temps que la France ouvre ses archives et mette en œuvre, de façon rapide, ces mesures pour sortir du déni ce chapitre sur les essais nucléaires», concluent les deux experts.

Mahmoud Tadjer 

Nadir K

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