Le Professeur d’économie, Mourad Goumiri, a, dans cet entretien abordé la manière avec laquelle les activités tournant autour de l’automobile doivent être organisées pour éviter les erreurs du passé.
Entretien réalisé par Hafid Mesbah
Crésus : Le ministre de l’Industrie a signé quatre autorisations provisoires d’impor-tation de véhicules, alors que la liste annoncée initialement était de 10 concessionnaires et un constructeur. Pourquoi, selon vous, le nombre a été revu à la baisse ?
Mourad Goumiri : Les quatre premiers constructeurs (KIA, FORD, NISSAN et GEELY) à avoir obtenu un agrément provisoire, sont ceux qui ont totalement rempli les conditions fixées par le cahier des charges et d’autres vont certainement suivre après les recours possibles. En outre, il est certain que les procès pénaux en cours et ceux à venir, ont eu un impact direct et indirect sur les postulants potentiels. Il se produit donc une décantation logique entre les professionnels et les opportunistes qui ont investi le créneau sans vraiment avoir les compétences requises mais qui avaient des relations mafieuses avec le pouvoir antérieur.
En délivrant les autorisations aujourd’hui, quand les premières voitures pourraient-elles être disponibles sur le marché ?
Les quatre candidats présélectionnés ne sont pas au même niveau d’implantation et n’ont pas les mêmes atouts à faire valoir. Ceux qui sont impliqués dans notre pays et dans cette activité vont très rapidement investir la filière, les autres suivront à leur rythme et on peut raisonnablement penser que dans les six prochains mois, les premières voitures pourront être vendues, compte tenu de la forte demande solvable. Les constructeurs internationaux auront certainement leur mot à dire quant aux choix de leurs représentants.
Dans un contexte de durcissement des conditions de transfert des devises, comment les concessionnaires vont procéder pour importer ces véhicules ?
Que ce soit sur le dossier de l’importation des véhicules neufs ou d’occasion (moins de 3 ans), il faut afficher clairement que le paiement doit se réaliser en dinars algériens. S’agissant des véhicules d’occasion, il a été sous-entendu que les importateurs potentiels devaient les acquérir en devises et notam-ment sur le marché au noir en Algérie, ce qui me paraît être un non-sens puisque le dinar est la seule monnaie qui a le droit de circuler dans notre pays, jusqu’à preuve du contraire. On ne peut imaginer que les pouvoirs publics permettent d’alimenter ce marché parallèle en officialisant la circu-lation d’une autre monnaie à l’intérieur de nos frontières à travers l’achat de véhicules d’occasion en devises, il y a un minimum de logique à suivre si on veut être cohérents.
En second lieu, il faut que le métier de concessionnaire soit réhabilité et professionnalisé, de manière à éviter tous les trafics que nous avons subis antérieurement. Cela signifie, en clair, que la responsabilité des concessionnaires doit être engagée dans tous les actes d’achat, de transport, de commercialisation, d’assurance, de garantie technique et de maintenance, ainsi que pour l’approvisionnement en pièces détachées des véhicules importés. Le contingentement des importations sera de rigueur en fonction des réserves de change.
Qu’en sera-t-il du taux d’intégration ?
Au-delà de la quantité de véhicules importée par an, qui dépendra des réserves de change et des capacités financières des concession-naires, le taux d’intégration sera défini avec les partenaires étrangers, ainsi que les capacités nationales à produire des pièces de véhicule dans un rapport de qualité/prix acceptable fixé par les pouvoirs publics, sur la base d’un contrat engageant, à moyen et long terme. Il ne faut pas se faire d’illusions. La construction mécanique est un processus long et exigeant qui nécessite des qualifica-tions qui ne sont pas encore maîtrisées pour le moment dans notre pays et un processus de construction mécanique industrialisant nécessite une vision stratégique qui n’existe pas encore dans notre pays. Enfin, les concessionnaires doivent disposer de showrooms et de moyens commerciaux et de distribution (réseaux) en relation avec les normes internationales dans le domaine.
Les potentiels clients s’interrogent déjà sur les prix de cession de ces véhicules ?
Le problème des prix de cession et des marges commerciales trouveront leur solution avec l’évolution de la demande solvable accompagnée d’un retour éventuel maîtrisé du crédit à la consommation. Enfin, l’option stratégique de l’introduction du véhicule électrique et de celui à consom-mation de gaz (Sirghaz), doit faire partie intégrante de cette stratégie à moyen et long terme. Le choix des partenaires étrangers, de ce point de vue, est crucial, pour ma part, j’opterais pour un constructeur automobile dont le pays a, ou aura, des contrats d’importation du gaz naturel algérien à long terme, comme condition non écrite.
H M.