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Quel avenir pour Gara Djebilet ?(2e partie)

Deuxième partie de l’entretien avec M.Nacereddine Kazi Tani est Docteur d’état es Sciences, ancien responsable de l’Exploration de l’Algérie du Nord et de l’Off-shore méditerranéen, ancien professeur des universités (Algérie et France), Directeur-fondateur du Centre national de recherches et d’Applications des Géosciences et Directeur du bureau d’études Géoressources (Pau France)

Lire la première partie ici  

L’or.

Ce métal, valeur  financière refuge est un métal très rare, sa teneur dans la croûte terrestre n’est que de 0,005 ppm (5 ppb) (5 milligramme par tonne). Son succès relève de son inertie chimique et son prix de sa rareté. Dans les gisements les teneurs d’exploitation sont comprises entre 1 à 20 g/tonne. Le plus grand gisement du monde est situé en Afrique du Sud, c’est le Witewatersrand découvert en 1884, la ruée a eu lieu en septembre 1888. Il a fourni depuis sa découverte et jusqu’en 2006 : 50 627 t d’or. Les 2/3 de la production mondiale depuis la préhistoire ont été extraits ces 50 dernières années. 32 % de cette production (50 627 t entre 1884 et 2006) provient du Witwatersrand sud-africain. Le maximum de la production sud-africaine a été atteint en 1975 avec près de 1 000 t soit, à l’époque, 67 % de la production mondiale. L’humanité a produit 190 000 t depuis la préhistoire dont 186 200 t  subsistent encore de nos jours. Les principales réserves minières : en 2017, en t d’or contenu sont localisées dans quelques pays avec les 3 premiers: Australie 9800t, Afrique du sud 6000t et Russie 5500t. Total  Monde : 54 000 t. soit 1/3 des réserves exploitées depuis l’antiquité. En Algérie, l’inventaire du potentiel aurifère a débuté dans les années 50 par le BRMA relayé en 1966 par la SONAREM nouvellement créée avec une « équipe Hoggar » très active. Le résultat de ces recherches a aboutit à inventorier quelques 300 indices et gisements, certains, nombreux, de peu d’intérêt en l’état actuel des connaissances et un gisement détenant le record mondial de teneur : 406g/t, dépassant allègrement le record officiel celui dans la partie souterraine de la mine de Porgera en Papouasie-Nouvelle Guinée lors du début de son exploitation et qui est de 120 g/t. L’évaluation de cette ressource dans la province targuie est de l’ordre d’une centaine de tonnes toutes catégories confondues (C1+C2+P) mais extrapolable à 450 t. Cependant le très sérieux bureau d’études Armines de l’École des Mines de Paris reste sceptique quant à la rentabilité des exploitations aurifères au Hoggar. Dans son rapport (1977) Armines émet des réserves sérieuses sur le potentiel exploitable en raison :  « -minéralisation en or natif dans des filons de quartz » « grande variabilité des teneurs », « teneur moyenne faible », « épaisseur des filons faible, inférieure à 50 cm », « produit épaisseur*teneur bas », « les travaux de prospection se sont limités à la surface… », « les concentrations connues sont économiquement marginales et insuffisamment explorées : aucune exploitation ne peut être envisagée avant d’avoir complété les travaux de prospection et sans une étude préalable de faisabilité », « aucun des filons étudiés dans l’état actuel des travaux de reconnaissances  (en raison -absence de réserves à vue, – produit épaisseur x teneur est marginal…», « le prix de revient des travaux de prospection est extrêmement élevé », « étant donné les long délais nécessaires…, les conditions particulières au Hoggar….il est utile de pousser un programme limité de développement, en quelques points choisis » in litteris rapport SONAREM-ARMINES 1977. Nous rebondissons sur ces conclusions pour abonder dan leurs sens :

  1. a) L’or est très divisé et disséminé dans la masse quartzeuse des filons et pour récupérer le métal par lixiviation cyanurée, il est nécessaire de pulvériser la roche en farine, à l’échelle de la poussière d’or. Pour la petite histoire la plus grosse pépite au Hoggar récoltée par Ranoux (1955) pesait 1 g soit 1/20ème de cm3 en raison de la densité de l’or. On est loin des pépites australiennes de la “plaque de Holterman” trouvé en 1872 à Hill End (Australie) : 1,42 m de long, 235 kg. La plus grosse pépite, “Welcome Stranger”, a été trouvée à Black Lead (Australie), en 1869 : 71 kg d’or. L’exploitation de l’or filonien du Hoggar est affaire de professionnels très bien outillés.
  2. b) L’inventaire des filons au Hoggar n’en est qu’à ses début, il n’a concerné que quelques centaines, souvent d’ailleurs mineurs et par conséquent industriellement inexploitables. Dans le futur il conviendra de recenser les plus importants et ce recensement peut être qualitatif (orientations fertiles) et quantitatif (volume, largeur, longueur), cette opération peut être menée rapidement, de l’ordre de 2 à 3 mois, grâce à la modélisation numérique de terrain (MNT) par données satellitaires de préférence à la télédétection classique ou en concurrence avec elle. Ce n’est qu’après cette étape que seront envoyés des équipes de terrain pour les échantillonnages et les mesures in situ sur cibles.

Autres types de prospects aurifères en Algérie.

Si le modèle gîtologique des filons aurifères du Hoggar est à peu près cerné et localisé dans un couloir de cisaillement dans lequel suivant une logique de Riedel, les accidents de 2ème et 3ème ordre sont favorisés par la minéralisation. Outre ce caractère structural, une profondeur de mise en place est également requise  ainsi qu’un chimisme plus ou moins favorable des roches hôtes des filons. Cependant, si les champs filoniens ont fait la fortune de quelques compagnies ou états, ce ne sont pas les plus prolifiques, les paléo-placers d’Afrique du Sud et du Ghana entre autres  et les gisements liés aux roches ampélitiques et sulfurées d’Asie centrale et du sud de la Russie constituent les gisements géants actuellement exploités et battent les records de production. Très récemment le Ghana vient de détrôner l’Afrique du Sud comme plus grand producteur d’or d’Afrique grâce à ses gisements du Tarkwaïen. La question se pose si l’Algérie possède des paléoplacers sur son sol ?

Le Tarkwaïen du Sahara algérien. Le Tarkwaïen est au Ghana (ex Gold Coast) une puissante formation aurifère qui fait alterner des conglomérats, des grès et des pélites d’âge d’environ un milliard et demi d’années. En Algérie, dans les Eglab au Jnoun Chindrar , la formation du Guelb el Hadid ne montre que la base sur 200 m environ attribuée au Tarkwaïen basal par la Pr. Y. Mahdjoub qui vient de nous quitter cette fin de Décembre des suites d’une longue maladie, que Dieu l’accueille dans Son vaste paradis. Des calculs isostatiques (N. Kazi Tani, 2004, rapport GEORESSOURCES-SONATRACH) arrivent aux mêmes conclusions et lui attribuent une épaisseur originelle de 8 km. Un autre affleurement bien plus puissant (plusieurs km d’épaisseur) est largement représenté dans le NW du Hoggar au sud du Mouydir. Restée inexplorée cette large zone mérite plus que toute autre une exploration aurifère. Son faciès, les épaisseurs développées, son âge la range dans le Tarkwaien

L’Eocambrien de la formation glaciaire de Guénifor (Eglab)

En discordance légère sur le Néoprotérozoïque une tillite (formation glaciaire) d’importance globale forme une formation en 3 termes  et pour cela dite Triade. Dans les années 90, Alexis Moussine Pouchkine du CNRS a découvert, dans les couches phosphatées qui surmontent la tillite à Fersiga, une paillette d’or qui pourrait venir de filons comme celui de Caroline, ou d’arkoses comme celles du Guelb El Hadid.à moins qu’elle ne soit de genèse tillitique. Cette découverte est passée inaperçue alors qu’en d’autres lieux elle aurait provoqué une ruée vers l’or.

D’autres formations conglomératiques et arénacées éocambriennes souvent très puissantes (ex. In Semmen, Ouallen etc..) existent. Ce sont des molasses de bassins épisuturaux et intramontagneux du Hoggar et connues également sous le nom de Série Pourprée de l’Ahnet donné par ses découvreurs (Th. Monod, J. Fabre qui nous a quitté le 13/03/2020 à 95 ans). Enfin on ne peut refermer ce chapitre  sans évoquer la molasse (conglomérats, grès..) de Tiririne de 8 km d’épaisseur.

Le guide gîtologique principal de l’or de ces formations est simple et correspond en l’application de la première équation de l’hydrodynamique qui régit les dépôts fluviatiles et deltaïques. Cela nécessite une étude sédimentologique et séquentielle (organisation) fouillée de ces formations.

L’or des formations carbonées et pyriteuses : le Tarannon (Silurien inférieur) d’Algérie.

Les gisements aurifères géants d’Asie centrale et de Russie méridionale sont constitués de roches primitivement riches à très riches en carbone organique et en sulfure de fer qu’accompagnent en quantités non négligeables des métaux tels le Vanadium, le Nickel, le Zinc etc. comme signature géochimique caractéristique dite VAMSNAZ et plus ou moins transformées par  un métamorphisme de bas grade dont l’action est de remobiliser et de concentrer l’or contenu dans la roche. Cette gîtologie est exprimée par le Modèle de Large et al. 2007-2011. Le Silurien inférieur d’Algérie du Nord et du Sahara est carboné (COT) et pyriteux. Au Sahara, ils peuvent atteindre 31% ce qui est considérable, de plus ce COT et ces sulfures sont accompagnés des métaux de type VAMSNAZ avec des teneurs appréciables (Vanadium jusqu’à 3600ppm, Zn:jusqu’à 1200 ppm,Ni jusqu’à 900 ppm). Cependant le paramètre métamorphisme n’est pas toujours présent, c’est de la diagnèse dans l’est du Sahara, de l’anchimétamorphisme dans l’Ougarta en raison d’une excursion thermique au cours du Lochkovien et de l’épimétamorme ou du métamorphisme de contact en Algérie du Nord (Haut Atlas oriental, Ghar Roubane, Traras, Tiffrit).D’autres roches à fort COT dans le Crétacé moyen et supérieur des Bibans et des Babors plus ou moins transformées par un métamorphisme léger sont connues et méritent des études plus appronfondies. Enfin dans les Réguibate, une formation dite d’Aguelt Mabha en Mauritanie et qui se prolonge dans le sud des Eglab sous le nom de formation de l’Oued Sous. Le COT y est exceptionnel (de l’ordre de 40% en Mauritanie), il est complètement “grillé” chez nous à cause d’un métamorphisme généré par l’engloutissement d’un dièdre lithosphérique vers 560 Millions d’années. Ce sont là de beaux objectifs de prospection.

 

Nasreddine KAZI TANI

Nadir K

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