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 «La complicité de corrompus de SONATRACH a causé la perte de milliards Tahlyat Myah Magtaa SPA»

A.  BENKHALFALLAH est expert international, ex PDG de la SNTF et ex-directeur général Tahlyat Myah Magtaa SPA (TMM SPA). Dans l’entretien qui suit, il révèle les varies problématiques de la gestion du dernier poste qu’il a occupé, à savoir directeur général Tahlyat Myah Magtaa SPA (TMM SPA)…

Entretien réalisé par Samir. Mehalla

Crésus : Quel est la nature du contrat d’association signé entre les partenaires AEC et HYFLUX et comment êtes vous atterri au poste de DG ? 

BENKHALFALLAH : Ce contrat entre les partenaires AEC et HYFLUX prévoit que le directeur général de la SPA Tahlyat Myah Magtaa (TMM) soit proposé par HYFLUX et le directeur général adjoint par AEC, une filiale de SONATRACH.

Donc, après examen de mon dossier administratif par HYFLUX Singapour, une  proposition de ma candidature en qualité de directeur général a été faite aux membres du conseil d’administration, composés par AEC, ADE et HYFLUX, qui a approuvé ma nomination, concrétisée le 23/12/2019, en remplacement de l’ex-directeur général suite à plusieurs défaillances portant un grand préjudice au bon fonctionnement et des malversations contractuelles et financières de la SPA TMM, située à Oran

En juin 2008 l’Etat algérien a investi des millions de dollars, que s’est fait le montage financier du projet en question ?

L’Etat a investi pour la construction de l’usine de Magtaâ. 422 millions de dollars pour les parties algériennes (BNA et AEC) et 69 millions pour HYFLUX, dont le siège est à Singapour. 70% représente la contribution de la BNA (Prêteur) et 30% représente la contribution entre la BNA, AEC et HYFLUX, avec 43% d’AEC,  filiale de SONATRACH, 10 % d’ADE et 47 % de HYFLUX

Les parties algériennes sont majoritaires avec 53% et HYFLUX 47%.

Pour quelle productions en eau potable depuis la mise en service prévu en juillet 2016?

2016 ————30%

2017————-53%

2018————-61%

2019————-70%

Sur le contrat, le taux minimum est de 98% ; de ce fait, l’usine n’a jamais atteint cette performance depuis sa mise en service.

Quel est le manque à gagner depuis la mise en service de l’usine en 2020 ?

8.812.163.000,00 DA, soit 68.578.747,00 USD, ce qui équivaut à 1.490.482,00 USD par an

La perte du capital social est de 29% : 3.815.124.000,00 DA = 2.034.71, 76 USD

Donc les objectifs tracés sont loin d’être atteints.  Qu’en pensez-vous ?  

La technologie du dessalement est très coûteuse. L’Etat algérien en a fait une priorité. La capitale de l’Ouest, Oran, souffre depuis plusieurs années d’un impressionnant déficit en eau potable. Le projet Mostaganem-Arzew-Oran, baptisé MAO, fut mis en service en 2009. La capitale de l’Ouest a besoin de 350.000 m3/j d’eau potable pour la consommation de la population. Une station de dessalement d’eau d’une capacité de 500.000 m3 par jour a été construite, de quoi satisfaire les besoins en eau de plus de 3 millions de personnes. Son coût a été évalué à 491 millions de dollars. Le contrat d’exploitation prévoit un montage financier, des études, de la construction et l’exploitation et la maintenance des installations l’ensemble de ces opérations ont été confiées à une entreprise singapourienne, HYFLUX. Depuis la mise en service de la station en 2016, cette entreprise n’a jamais atteint la capacité contractuelle en eau potable livrée.

Il ne fait nul doute que la technique de dessalement d’eau de mer représente une technique extraordinaire afin d’offrir aux populations toute l’eau potable dont elles ont besoin. La poursuite de l’exemple algérien n’est pas nécessairement possible. Bien que la politique de dessalement soit étrangère à ses richesses pétrolières, il va de soi que la manne d’argent créée par cette source fournit un formidable élan à une telle politique. L’économie algérienne est actuellement en plein développement, grâce principalement à la hausse sur les marchés mondiaux des prix du pétrole et du gaz ces dernières années et à la forte demande dans ces secteurs. L’Algérie s’est donc lancée dans le développement de ses infrastructures grâce aux moyens financiers, qui doivent lui permettre de remettre le pays en marche après plus d’une décennie de troubles graves : autoroutes, barrages, usines électriques et de dessalement d’eau de mer.

Car, dès la mise en service de l’usine de Magtaâ en 2016, étonnamment l’entreprise SONATRACH n’a pas effectué les essais de performance comme le stipule le contrat et n’a pas tenu compte des réserves sur les défaillances des installations de l’usine recensées par l’expert désigné à cet effet dès le lancement du projet.

L’application de la décision prise en conseil interministériel en 2018 pour le changement de HYFLUX du site de Magtaâ n’a pas été appliquée par le partenaire SONATRACH. Cette dernière ne s’est jamais assuré et n’a pas imposé l’application du contrat et ses annexes sur les opérations d’exploitation et de maintenance en charge de HYFLUX, très mauvaises depuis fort longtemps, qui auraient permis de sauvegarder l’usine, les équipements et le paiement de toutes les pertes financières par HYFLUX à SONATRACH qui n’a pas contesté les obligations contractuelles. En plus, l’entreprise HYFLUX est portée sur la liste des services des Douanes algériennes comme un fraudeur à la législation algérienne.

Je suppose que des cadres algériens véreux pactisent avec une complicité plausible contre les intérêts de l’Algérie, sur les révélations des défaillances de HYFLUX d’une importance vitale sur les pénuries d’eau courante dans les wilayas de l’Ouest, avec le maintien de HYFLUX, il y a probablement une forte complicité de certains responsables des filiales à SONATRACH sinon pourquoi ces éléments n’ont reçu de réflexion  depuis des années.

  • Dès la mise en service en 2016 de l’usine l’entreprise SONATRACH n’a pas effectué les essais de performance comme le stipule le contrat et tenu compte des réserves sur les défaillances des installations de l’expert désigné à cet effet.
  • Non-application de la décision prise en conseil interministériel en 2018 pour le changement de HYFLUX : pourtant, l’application de cette ordonnance a déjà été signalé par l’ex-PDG de la filiale AEC à SONATRCH, malheureusement aucune suite n’a été accordée, si ce n’est la perte de son poste en……..2020.
  • Pourquoi le responsable de la direction générale entre 2018 et 2019 de l’entreprise Tahlyat Myah Magtaa (TMM) n’a pas appliqué les résolutions prises par l’assemblée générale en 2018 et le conseil d’administration en 2019 pour le changement de HYFLUX de l’usine de Magtaâ.
  • Pourquoi, lors de la réunion tenue le 08 juillet 2020 une décision mal appropriée a été prise par le PDG de l’AEC appuyée par un membre du conseil d’administration de TMM ont contrariés à  la procédure de résiliation lorsque j’ai évoqué l’application de l’annexe 22 du contrat avec HYFLUX ; cette annexe stipule qu’en cas de défaillance de HYFLUX installée à Oran, l’entreprise mère, installée à Singapour, doit prendre en charge toutes les pertes financières causées à la partie algérienne (AEC).
  • Un autre PDG de filiale de SONATRACH présent à la réunion m’a informé que le contrat a été mal négocié dès le début du projet, une décision intrigante à plus d’un titre surtout que ce responsable est du domaine juridique.
  • Pourquoi le PDG de l’AEC a ordonné lors de réunion de bloquer la résiliation avec HYFLUX. Un changement de cap à 180° de la nouvelle équipe AEC et une planification pour aider HYFLUX à rester et faire payer à TMM, à travers son nouveau directeur général, le montant des cautions (65 millions de dollars) pour les réparations et les achats des équipements chez les fournisseurs choisis par HYFLUX

Plusieurs stations à travers le territoire national sont à l’arrêt et d’autres connaissent de vrais problèmes techniques et financiers. Comment expliquez-vous cette situation ?

Le gouvernement algérien a donné son accord en 2018 pour la reprise de l’usine de Magtaâ par le partenaire algérien AEC, filiale de SONATRACH, pour sauver l’usine. SONATRACH a été instruite par ordonnance pour mettre en exécution cette décision, mais elle n’a pas exécuté la décision du gouvernement. A mon humble avis, si cette décision avait été prise au moment opportun, l’Algérie ne serait jamais devant cette position, car le risque est très fort de voir l’usine se détériorer de jour en jour et de perdre un investissement de près de 500.000.000,00 USD.

Si l’usine s’arrête, par voie de conséquence la production d’eau potable s’arrête, ce qui se répercute sur les souffrances sociales des populations de quatre wilayas de l’ouest du pays.

Il me semble très urgent de réagir en conséquence pour sauver cette usine et cet investissement car cela est d’une importance capitale pour l’Algérie.

Que prévoit le contrat entre les parties ?

Si HYFLUX présente des défaillances effectives, elle a obligation de prendre en charge la totalité des réparations et les pertes des actionnaires (AEC et ADE) et, au final, si les deux options ne sont pas appliquées, HYFLUX s’est engagée contractuellement à rembourser le manque à gagner dans sa globalité à AEC et ADE depuis la mise en service en 2016, même les frais administratifs (avocats pour la CCI donc l’arbitrage international). Même pour cela les responsables des filiales SONATRACH ont voulu nous faire croire que les contrats sont mal rédigés lors de la réunion tenue le 05 juillet 2020 entre TMM, HYFLUX, AEC et SONATRACH. Devinez qui était absent ? L’ADE.

Comment pouvons-nous dire cela quand HYFLUX se porte garante pour toutes ses défaillances dans le projet, nous avons eu la chance que l’ancien management de l’AEC ait refusé de déclarer la réception définitive, car elle est la seule garante de l’exécution de l’engagement de HYFLUX.

La réalisation des stations de dessalement a coûté les yeux de la tête à l’Etat. Quelle est réellement leur contribution en matière d’amélioration de l’alimentation en eau potable ?  

 (L’état de ruine de l’usine de Magtaâ et l’incapacité de la société HYFLUX à remédier aux multiples problèmes sont  :

  • Absence de planning de maintenance et de suivi des réparations suivant le contrat
  • L’incapacité de l’usine à produire une bonne eau et les 500.000 m3/jour contractuels.

L’ex-PDG de l’AEC, après concertation avec son équipe, m’a demandé :

  • d’appliquer les décisions du conseil et de l’AG pour changer l’exploitant ;
  • de reprendre la sécurité de l’usine après les vols d’équipements pour plusieurs millions de dollars, car la sécurité de l’usine était assurée par HYFLUX ; mon équipe et moi-même avons exécuté les décisions et repris la sécurité ;
  • d’entamer la résiliation du contrat avec HYFLUX pour le changement de l’exploitant.

Suite à la nomination du nouveau PDG de l’AEC filiale de SONATRACH et sa visite les 7 et 8 juillet 2020 à l’usine avec le PDG de SVH, nous avons reçu de nouvelles instructions :

  • arrêter la procédure de résiliation avec HYFLUX sachant que celle-ci a causé de grands préjudices financiers au projet et à ses partenaires ;
  • importer les pièces de rechange, sachant que HYFLUX est black-listée par les autorités ; ce n’est pas contractuel également.

Partant de votre expérience dans la gestion de la station de dessalement d’eau de mer à Oran, quelles sont les contraintes qui entravent au bon fonctionnement de ces stations ? 

 Après avoir constaté des défaillances avérées en janvier 2020 sur l’état catastrophique de l’usine (absence de maintenance, incapacité de produire la capacité contractuelle de 500.000 m3/jour), j’ai pris attache avec l’ex-PDG de l’AEC, qui m’a demandé d’appliquer rapidement les résolutions prises par le CA et l’AG, ainsi que la mise en place des obligeances des clauses contractuelles pour procéder à la résiliation du contrat avec l’exploitant EURL HOMA afin de sauver l’usine d’un délabrement incontestable. Le 10 juin 2020 un avis de résiliation à été transmis à l’EURL HOMA par le biais d’un huissier de justice avec un délai de 40 jours à partir de la date de notification pour rétablir la situation de l’usine suivant les clauses contractuelles.

Les 07 et 08 juillet 2020 une réunion a été organisée à Magtaâ par le nouveau PDG de l’AEC, le PDG de SVH SONATRACH et HYFLUX pour instruire la direction générale de TMM SPA à arrêter la mise en application de la résiliation avec EURL HOMA, prendre en charge les réparations des équipements, importer les pièces de rechange (non contractuel) sachant que HYFLUX est inscrite sur la liste des fraudeurs par les autorités algériennes.

Ces nouvelles mesures sont d’une grande ambigüité à mon sens.

Mon travail accompli a dérangé les intérêts importants de l’investisseur HYFLUX, après l’application stricte des mesures contractuelles et des décisions du conseil d’administration et de l’assemblée générale, résolutions prises par les précédents membres du CA et de l’AG de l’AEC.  

Que préconisez-vous dans ce sens ?   

Je ne suis pas et ne serai jamais complice avec HYFLUX au détriment de l’Algérie pour acquiescer les mauvaises exécutions du contrat et ses annexes et faire plaisir à HYFLUX  sur le manque à gagner depuis la mise en service de l’usine en 2016, sachant que l’usine n’a jamais atteint ses performances contractuelles, sans aucun gain ni dividende, avec une rentabilité lourdement affectée, des pénalités d’insuffisances de capacité produite et une mauvaise qualité de l’eau produite.

Ma démission du poste de DG 6 mois après mon installation a certainement mis à mal plusieurs personnes de SONATRACH et les services concernés par ces énormes pertes d’argent. Une enquête doir être menée pour récupérer l’usine, d’une part, et l’argent au profit du Trésor public, d’autre part

Les informations publiés par des journaux singapouriens, dont la mise sous contrôle judiciaire du groupe HYFLUX et ses membres du conseil pour falsifications des comptes de la société nous poussent à prendre des mesures préventives et protectrices pour l’avenir de la station de Magtaâ, qui est dans un état de délabrement. HYFLUX doit prendre en charge pleinement les défaillances et les insuffisances techniques et financières suivant le contrat signé entre les partenaires.

Un dernier mot…

Un Algérien au sens propre du mot n’acceptera jamais de se taire sur cette situation catastrophique de l’usine de Magtaâ, qui est en délabrement continuel, et particulièrement sur les défaillances incontestables de HYFLUX sur tous les plans de l’application avec rigueur du contrat. Il est également important de souligner que si le litige est porté devant la chambre arbitrale à l’international, la partie algérienne sera gagnante suivant les clauses contractuelles.

Tout responsable qui a failli à sa mission de sauvegarde des intérêts de l’Algérie doit répondre de ses actes et rendre des comptes à qui de droit sur sa complicité avec HYFLUX et assumer ses responsabilités.

Cette gabegie est arrivée à sa limite, car ce long spectacle intitulé «La gestion mortelle de l’usine de Magtaâ» est composé de plusieurs feuilletons aussi sinistres les uns que les autres, Depuis la mise en service de l’usine en 2016, le feuilleton le plus mémorable, celui de la réunion tenue le 08 juillet 2020 à l’usine de Magtaâ entre le PDG de l’AEC et un membre du conseil d’administration de TMM, le PDG de la filiale SONATRACH SVH et HYFLUX par visioconférence avec l’absence du partenaire ADE, m’a fait comprendre les enjeux du spectacle.

Entretien réalisé par Samir. Mehalla

 

 

Nadir K

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