Aujourd’hui, nous vous emmenons dans un lieu hors du temps, perché au deuxième étage d’un immeuble haussmannien sis au 98 rue Didouche Mourad, Issue 98 ! Suivez le guide…
Après avoir préalablement pris rendez-vous en ligne, mesures sanitaires obligent, nous voici accueillis les bras ouverts par Hania Zazoua, plus connue sous le nom d’artiste « Princesse Zazou », dans son temple peuplé d’objets oniriques.

L’appartement en lui-même est agréablement agencé. Nous nous y mouvons en toute fluidité entre les pièces originales et œuvres aux multiples symboliques.
Le lieu est à l’image de sa créatrice, haut en couleur et chaleureux ! Du carrelage, aux murs, en passant par le mobilier, nous nous retrouvons au cœur de l’imaginaire de l’artiste.

Celle-ci nous explique au cours de notre visite guidée, son parcours, sa démarche artistique, ses inspirations et la volonté recherchée pour chacune de ses créations.
Ainsi, nous apprenons que cette pionnière de l’entreprenariat culturel se spécialise dans l’art et le design. Elle a fait l’école des beaux-arts d’Alger puis a poursuivi sa formation à Aix en Provence.
De retour en Algérie, elle réalise qu’il serait intéressant de montrer aux clients habitués du design « ce que les artistes sont capables de créer en dehors des normes imposées par leurs commandes». Elle a donc organisé une exposition au sein même de l’atelier de création en invitant le public à observer le processus de création artistique.
Forte de son expérience en France, elle réalise qu’il faudrait un « archivage de l’art contemporain ». Elle envisage donc de se mettre à proposer des lieux de publication de l’art « afin de faciliter les recherches des étudiants en Arts mais aussi pour reconnaitre et connaitre le travail de chaque artiste ».
Concernant la visibilité des artistes contemporains en Algérie ou même ailleurs, elle nous révèle que les réseaux sociaux offrent une opportunité de se faire connaitre, qu’elle a su saisir. Néanmoins, elle se désole du fait que les personnes ne soient pas assez au courant de la formidable palette d’art algérien contemporain.
Elle présente son travail comme étant du «kitch conscient », à base principalement de nayliyate. Ce choix est opportun selon elle car « ce sont des femmes dans des tribus matriarcales ».
Concernant les couleurs vives et gaies présentes dans la pièce, elle nous met en garde car « la couleur peut être un cheval de Troie. Elle attire le regard sur le travail où on remarquera alors beaucoup d’éléments de langage».

En effet, en scrutant de plus près ses œuvres, nous remarquons une représentation remarquable du règne animalier…. Poissons, lapins, âne ou même des mouches peuplent l’univers de cette artiste.

A cet effet, elle nous explique que «le poisson représente la liberté de déplacement, sans aucune frontière. Je le positionne souvent sur les yeux».
Elle ajoute «lors de l’une de mes premières expositions, j’ai réussi à transposer la même nayliya d’« autopsy d’une princesse » sur trois étages d’une expo, et personne quasiment n’avait remarqué le subterfuge grâce à ce poisson sur les yeux».

Hania nous explique donc que c’est une manière de dire que « nous sommes tous algériens même si nous ne rentrons pas dans le même moule». D’après elle, il faut qu’on se réapproprie notre histoire qui est très riche et diversifiée. Nous sommes hybrides, il y a de l’occidental dans notre quotidien il faut l’assumer aussi bien que notre Histoire.
Elle s’amuse aussi à déconstruire les stéréotypes et amalgames avec finesse et brio. En effet, elle nous raconte que lors d’une autre exposition, elle a présenté aux visiteurs des personnages habillés de manière traditionnelle.
Ils ont donc naturellement commencé à les dénommer« le chaoui», «la kabyle», «l’oranais» ou encore «l’algéroise». Elle nous apprend alors, sourire en coin, qu’« après coup, je leur avouais que c’était des occidentaux que j’habillais de manière algérienne. Et qu’avec le poisson sur les yeux, ils n’y voyaient que du feu». Tout ceci dans le but de dénoncer l’utilisation détournée et fausse d’images par les médias.
A ce propos elle ajoute « l’Homme des médias, je le représente par un lapin dans mes œuvres, celui d’Alice au pays des merveilles. Il n’a jamais le temps de donner l’heure, et c’est ce qui se passe quand on a des événements qui se passent. Généralement les médias ne prennent pas le temps de vérifier leurs informations afin d’être les premiers à avoir un ‘scoop’».
Toujours dans le même registre médiatique, une télé de la marque « enie » a été transformée en installation artistique. Intitulée « starification d’un âne doré », elle met en scène un âne de couleur dorée, sous le feu des projecteurs à la télévision.

Cette œuvre réalisée par l’artiste SVËN, en plus d’être une dénonciation des procédés des médias, met aussi en lumière le patrimoine algérien. Comment ? Hania nous explique que « L’âne d’or est le premier roman de l’humanité à avoir été écrit. C’était par Apulé et il était géographiquement situé en Algérie à Souk Ahras. L’utilisation de la télévision fabriquée en Algérie est une mise en valeur de notre production nationale, qu’il ne faut pas que les jeunes générations ignorent».
Quant aux mouches, visibles seulement après un certain temps au niveau de ses œuvres, elle nous explique qu’elles sont «son élément phare, je les utilise comme de la dentelle».

Ceci dans le but de montrer que «même si tout a l’air de fonctionner en surface mais qu’on trouve des mouches, c’est à dire qu’il y a quelque chose en putréfaction en dessous».
Vous pouvez venir admirer ces œuvres et bien d’autres encore, tous les jours de 10 heures à 19 heures, en réservant votre visite en consultant la page Facebook ou le compte Instagram « issue 98 ».
S. Chaoui