L’opposition dénonce une «ingérence»
Les propos d’Emmanuel Macron sur l’Algérie ne sont pas passés inaperçus sur la scène politique nationale. Nombre de partis politiques ont exprimé leur indignation quant à ce qu’ils considèrent comme «une ingérence» dans les affaires internes du pays.
Alors que les partis du pouvoir, le PFLN, le RND, TAJ et autre El Bina notamment, ont fait les morts en l’absence d’une réaction officielle des autorités, l’opposition dite démocratique, elle, n’a pas apprécié les déclarations d’Emmanuel Macron. Ce dernier a, dans un entretien accordé à «Jeune Afrique», assuré qu’il ferait «tout» pour «aider» le Président Abdelmadjid Tebboune, qui est «courageux», afin que «la transition réussisse». Le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Mohcine Belabbas, estime que Macron s’est exercé à «donner des leçons de démocratie et de gouvernance». En s’adressant aux chefs d’Etat africains, «il s’est autorisé à distribuer des certificats de légitimité́ aux dirigeants des ‘‘indigènes que nous sommes’’», s’est alarmé Belabbas dans une publication sur sa page Facebook. Pour ce qui est de l’Algérie, le président du RCD s’offusque du fait que Macron se soit «permis de délivrer une attestation de confiance au chef de l’Etat» en déclarant «être prêt à l’aider dans ce qu’il qualifie de période de transition». «Ceci n’est pas une simple ingérence mais la révélation que la France est aux manettes d’une feuille de route pour notre pays», a asséné Mohcine Belabbas. Et de répondre au Président français : «Monsieur Macron, ce sont précisément les interventions répétées de la France officielle dans les choix souverains des pays africains qui posent problème. La France post-coloniale est une partie de notre problème en plus de faire partie d’un passé douloureux pour l’Algérie et l’Afrique».
«Tentation» de l’ancien colonisateur, selon le FFS et le RCD
L’Algérie et l’Afrique «ne peuvent se complaire dans un statut de subalterne au service d’intérêts néocoloniaux», a affirmé le chef du RCD, qui suggère aux dirigeants africains élus par leurs peuples de «cesser de prendre part au sommet de la Françafrique auquel ils sont convoqués comme de simples préfets pour y recevoir des orientations et des injonctions». Pour lui, «les Africains peuvent construire d’eux-mêmes l’avenir auquel ils aspirent».
Même son de cloche du coté du Front des forces socialistes (FFS). Aux yeux de Hakim Belahcel, membre de l’instance présidentielle du vieux parti d’opposition, les propos de Macron révèlent une tentation de «maintenir l’Algérie sous protectorat». Joint par nos soins hier, Belahcel s’est insurgé contre «l’immixtion» du Président français dans la vie politique nationale. «Sa dernière déclaration révèle au grand jour la tentation de l’ancien colonisateur de maintenir notre pays sous l’emprise de son protectorat et empêcher ainsi le peuple algérien, jaloux de sa souveraineté, d’accéder enfin à son autodétermination», a déclaré notre interlocuteur, réaffirmant que «le destin politique national ne pourra en aucun cas être conçu en dehors des frontières de l’Algérie et encore moins contre la volonté du peuple algérien». Pour le FFS, a ajouté Hakim Belahcel, «la seule feuille de route qui engage les Algériennes et les Algériens sera celle qui émanera d’un dialogue responsable et sincère qui prendra en charge les revendications légitimes de la révolution populaire». Cela, a-t-il conclu, «se fera certainement à l’abri de toute injonction et de toute ingérence étrangères».
UCP : «La France défend ses intérêts»
Zoubida Assoul, présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), estime, pour sa part, que le soutien de Macron à Tebboune «n’est pas un fait nouveau». «Le ministre français des Affaires étrangères a déjà déclaré en s’adressant au peuple algérien que l’amendement constitutionnel était positif», a-t-elle rappelé. Et de s’interroger : «Contre qui» Macron va-t-il aider le Président algérien ? «C’est ainsi que la France avait commencé à soutenir Abdelaziz Bouteflika au cours de son quatrième mandat à travers les déclarations de son ministre des Affaires étrangères, puis de son Président François Hollande», écrit Maître Assoul qui dénonce «une ingérence étrangère dans les affaires internes».
Aïssa Moussi