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“La réforme du secteur du transport aérien en Algérie est une urgence” (Expert)

Benzerroug Mohamed Redouane, pilote enquêteur en crash aérien et expert judiciaire auprès des tribunaux nous parle de la situation du secteur du transport aérien en Algérie, des réformes à engager et des priorités à définir.

Crésus: Les autorités algériennes ont évoqué dernièrement la possibilité d’ouvrir l’espace aérien au privé pour la prise en charge les lignes aériennes interieures. Quelles sont les conditions à réunir pour concrétiser cet objectif ?

Benzerroug Mohamed Redouane: Nous devons tout d’abord nous poser les questions suivantes : Comment pourrions-nous multiplier le nombre de compagnies aériennes et offrir à un usager un vol local reliant par exemple Alger-Djanet à des tarifs abordables sans lésiner sur les normes de sécurité qui restent extrêmement sévères dans le secteur de l’aviation ?  Et comment le faire sans durcir les conditions de la concurrence au risque de mener les compagnies Air Algérie et Tassili Airlines à la faillite ?

Une nouvelle compagnie aérienne privée devra maîtriser de multiples facteurs dont la fréquence des vols, les prix, la ponctualité, le confort et la sécurité.

En réalité, avant toute réception et étude d’un dossier d’investissement pour la création d’une compagnie privée, les autorités doivent opérer une large réforme des lois et réglementations en vigueur. Je parle tout particulièrement du cahier des charges imposé aux compagnies aériennes et qui date de l’année 2000.

Air Algérie fait face à une sérieuse crise financière en raison de l’immobilisation de ses appareils à cause de la propagation de la pandémie de Covid-19. Comment voyez-vous la suite des événements ?

Bien avant la pandémie de Covid-19, cette compagnie n’a pas pu ou su faire le compromis entre la qualité du produit et les coûts indirects qui sont principalement composés de faramineux coûts administratifs et commerciaux et représentent une part importante des coûts d’exploitation. De grandes compagnies aériennes en sont mortes. D’autres sont nées et ont prospéré en cultivant des formules originales comme celles des vols charters. Elles ont été contraintes d’utiliser les nouvelles techniques pour accroître leur efficacité et diminuer leurs coûts en investissant dans les systèmes d’information pour la réservation en temps réel et la mise en place des systèmes de fidélisation «Yield management ».

La compagnie nationale a longuement bénéficié des aides de l’Etat mais elle continue à perdre de l’argent. À ce jour, en gestion confinée, nous n’avons pas accès aux bilans  de la compagnie.

Le ministère des transports doit mettre en œuvre, en urgence, un mode d’évaluation de la situation et adopter une technique avec des indicateurs pertinents d’examen et d’analyses en prenant exemple de l’harmonisation européenne en matière de réglementation de la capacité financière d’une compagnie.

La situation de la compagnie pourrait empirer avec la pandémie qui risque de perdurer et avec le refus des syndicats /partenaires sociaux d’accepter la réduction des salaires proposée dernièrement.

Quelle est votre vision sur l’avenir du secteur de l’aviation civile en Algérie ?

Tout d’abord, l’industrie du transport aérien est capitalistique, fortement exposée au prix de l’énergie-pétrole. Elle est aussi cyclique, et sensible à l’actualité politique, économique, climatique et actuellement sanitaire, mais souvent soumise à des distorsions de concurrence, de subventions et de réglementations. Le fort besoin en capitaux de la part de nos deux compagnies Air Algérie et Tassili Airlines et leur incapacité à en lever suffisamment ont été l’élément déclencheur de plusieurs faillites étouffées.

Le succès de la reprise de l’aviation civile algérienne et la résilience future seront réalisés grâce à l’effort collectif des parties prenantes avec un modèle économique adapté de la clientèle itinérante et loisirs, et avec transport des marchandises et même les services de transport multimodaux, mais qui pourraient concerner progressivement la clientèle affaires.

L’évolution du cadre institutionnel, l’ouverture du ciel et les politiques publiques auront un impact incontestable sur l’avenir du secteur de l’aviation civile en Algérie.

Reste que le seul facteur d’évolution, passe par une grande réforme profonde et urgente du secteur de l’aérien.

Karim Aloui

Nadir K

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