L’Ecole classée rouge
Exposé à la Covid-19, le secteur fait courir un risque énorme sur la population puisque ce sont des millions d’élèves qui rentrent en fin de journée à la maison au milieu de leurs familles.
La situation sanitaire dans les établissements scolaires devient inquiétante. Depuis la rentrée scolaire, il ne se passe presque plus un jour sans que l’on signale la fermeture d’une école ou d’une classe dans une wilaya. En cause, la découverte de cas de contamination au coronavirus.
Avec la montée en flèche des chiffres quotidiens en Algérie, la peur des parents d’élèves sur la santé de leurs enfants se fait de plus en plus ressentir. Certains n’hésitent pas à réclamer la fermeture des écoles qui ne disposent pas de moyens pour faire face à la Covid-19. «Mon fils me raconte qu’à l’école, il ne leur est même pas exigé de porter la bavette quand on ne l’a pas et que le gel hydro-alcoolique est indisponible», témoigne un parent d’élève d’une école primaire dans la commune d’Aït Yahia Moussa, à une trentaine de kilomètres au sud de Tizi-Ouzou. Pour lui, l’Algérie ne se réduit pas aux grandes villes seulement où il y a un suivi de l’application des mesures sanitaires, «car, dans les zones reculées du pays, on souffre». «Si la situation reste en l’état, je préfère garder mes enfants à la maison», a-t-il ajouté. Ce cri d’un parent d’élève résume en effet le quotidien des établissements scolaires en pleine épidémie de coronavirus.
Les professionnels du secteur sont unanimes à partager le même constat, à savoir que la situation est «explosive». Joint pas nos soins, le secrétaire général du Satef (Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation), Boualem Amoura, affirme que «des établissements scolaires de plusieurs wilayas sont touchés par la Covid-19, dont Blida, Djelfa, Alger, Bouira et Tizi-Ouzou». Ce syndicaliste dénonce «le manque de moyens» pour faire face à l’épidémie. «Je vous assure qu’à l’heure où je vous parle, il y a des écoles qui ne disposent même pas d’eau. Que dire alors du gel hydro-alcoolique !», a-t-il lancé, regrettant que «rien n’a changé en termes de moyens. On travaille dans les mêmes conditions que celles de l’année dernière ».
«Un protocole sur papier»
Selon ce syndicaliste, sur 1.541 communes de l’Algérie, il y a 1.300 qui sont pauvres, et les APC ne peuvent pas assumer la gestion des écoles primaires. Quid du protocole sanitaire et des mesures spéciales pour accompagner la rentrée des classes ? «Ce protocole existe sur papier», a répondu, désabusé, notre interlocuteur, appelant l’Etat «à mettre la main dans la poche pour assurer son application». Même s’il décrit une situation «intenable», Amoura ne se prononce pas pour autant en faveur de la fermeture des écoles. Pour lui, les fermer pour 15 jours, voire deux mois jusqu’à janvier, ne changera rien, car «rien ne nous garantit que l’épidémie ne sera pas là». C’est pourquoi il a insisté sur « un traitement au cas par cas», c’est-à-dire fermer l’école là où il y a risque et mettre très vite les moyens nécessaires pour une réouverture dans de meilleures conditions.
Même son de cloche chez Messaoud Boudiba, porte-parole du Conseil national autonome du personnel de l’éducation du secondaire et technique (Cnapeste) qui, dans une déclaration faite lundi dernier, a estimé que «l’application du protocole sanitaire exige des moyens colossaux». «On travaille avec des moyens dérisoires et cela ne peut pas durer longtemps», a-t-il alerté, soutenant que cette situation «prouve qu’il n’y a pas eu de plan pour faire face à l’épidémie».
Citant des rapports de bureaux locaux, Messaoud Boudiba soutient que son syndicat «enregistre quotidiennement des cas de contamination d’enseignants et autres», mais «il y a un black-out total sur le plan officiel». «Veut-on qu’il y ait explosion dans le secteur de l’éducation ?», se demande-t-il.
Faut-il fermer les écoles ?
Exposé à la Covid-19, le secteur fait courir un risque énorme sur la population puisque ce sont des millions d’élèves qui rentrent chaque fin de journée à la maison au milieu de leurs familles. D’où l’appel de l’Organisation nationale des parents d’élèves à la fermeture des écoles. Relevant l’existence de cas de Covid-19 dans pas moins de 13 wilayas du pays, Ali Benzina suggère aux autorités «le recours à la sagesse en fermant les écoles» et de «ne pas écouter le discours populiste du ministère de la Santé». Pour lui, «il ne faut se voiler la face. Il n’y a aucun protocole sanitaire». Quand l’absence de tout protocole est relevée dans les grandes villes, «ce n’est pas la peine de le chercher dans les localités reculées», a-t-il ajouté dans une vidéo partagée sur la page Facebook de son organisation. L’orateur pointe du doigt l’indisponibilité du thermomètre frontal à infrarouge, parfois de gel désinfectant et des moyens de stérilisation, notamment dans les cantines.
En attendant peut-être une réaction des autorités, le personnel éducatif continue de se mobiliser et de lutter contre l’épidémie avec les moyens du bord.
Aïssa Moussi