Paris sur les traces de Moscou et Washington
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian se rendra aujourd’hui en Algérie pour faire le point sur les relations bilatérales et les crises régionales, notamment la Libye et le Mali. Il s’agira de son troisième déplacement à Alger depuis l’élection du président Abdelmadjid Tebboune en décembre 2019.
Ses précédentes visites remontent à janvier et mars 2020. Aucune précision sur son programme n’a été communiquée. Lors de ses précédents déplacements, il avait rencontré le chef de l’État, le Premier ministre Abdelaziz Djerad et son homologue Sabri Boukadoum.
Le Libye et le Mali devraient figurer en bonne place parmi les sujets de discussion, alors qu’Alger entend jouer un rôle actif dans le règlement de ces deux crises :«Nous avons des canaux de discussion historiques, je pense à la Tunisie, l’Algérie, l’Égypte, le Tchad et le Niger, le Soudan un petit peu pour pouvoir organiser une rencontre des voisins de la Libye qui accompagnerait le processus dit processus de Berlin», a-t-il déclaré le 7 octobre dernier à l’Assemblée nationale. Le second point fort de cette visite reste la crise en Libye dont Alger tente de jouer un rôle clé dans la médiation.
Sur ces questions politico-sécuritaires, le Mali va également occuper les discussions. L’Algérie, qui craint les risques d’instabilité aux frontières a aussi réitéré sa « disponibilité» à œuvrer pour la paix au Mali, où des autorités de transition ont été mises en place en septembre après le coup d’État du 18 août.
Paris et Alger ont par ailleurs de multiples enjeux bilatéraux sur la table, du travail de mémoire lié à la colonisation aux échanges économiques sur lesquels la France a cédé du terrain au profit notamment de la Chine.
L’Algérie et la France coopèrent déjà activement dans le domaine de la défense. L’accord signé par les deux pays en 2008 et entré en vigueur le 1er février 2013 offre un cadre favorable aux échanges en matière de défense. Ils se déclinent selon quatre axes (militaire, armement, stratégie et santé) : «Des projets existent, et notre communauté d’intérêts de sécurité rend nécessaire un approfondissement de notre relation bilatérale notamment en matière de formation et de sécurité intérieure».
La France et l’Algérie participent aux comités de suivi de l’accord d’Alger sur le Mali signé en 2015 à Alger. Mais le plus troublant dans cette histoire c’est le report non déclaré de la visite annoncée du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin,
Ce dernier devait précéder son collègue des AE. Mais qu’est-ce qui a pu se passer pour changer à la dernière minute l’agenda du ministre de l’Intérieur français ?
Il s’agit probablement de la visite à Alger du secrétaire d’Etat à la Défense US Mark Thomas Esper qui a fait précipiter les choses : «Depuis la ,catastrophe de l’intervention en Libye en 2011 nous écoutons davantage nos amis algériens qui militent pour des solutions qui militent pour des solutions politiques et inclusives», confiait un diplomate US en poste à Alger il y a quelques années :«Nous comprenons aisément pourquoi Alger refuse les projections temporaires comme le G5 Sahel et pourquoi seule une attitude du type playing the long game adoptée par Alger, reste la plus pertinente dans des conflits d’une telle complexité», poursuivait le diplomate.
L’ex-GI de la première guerre du Golfe Mark Esper a été attentif aux arguments d’Alger où il a été reçu par le chef de l’Etat. D’où cette crainte non dissimulée de Paris de se voir injecter au profit des USA dans les bourbiers libyen et malien.
Craignant probablement un isolement dans ces deux dossiers, la France accourt à Alger pour tenter de retourner la situation à son profit mais en mettant le prix fort. Pour cela, elle doit «laisser quelque chose» de concret comme par exemple sortir de son alignement sans bornes sur le dossier sahraoui ou elle apporte une aide sans commune mesure au royaume chélifien retardant ainsi la solution juste pour le peuple sahraoui.
Mahmoud Tadjer