La présence en Algérie d’une trentaine d’élus français s’inscrit dans le cadre du groupe de travail lancé le 8 mai 2024 visant à reconnaître officiellement les massacres commis en Algérie à Sétif, Guelma et Kherrata le 8 mai 1945.
Une trentaine d’élus français présents depuis hier en Algérie. Cette délégation qui devait participer aujourd’hui aux côtés des officiels algériens aux commémorations marquant le 8e anniversaire des massacres du 8 mai 45, n’a pas laissé indifférent du côté d’Outre-mer. Ce déplacement a fait même grincer des dents. Paris avance avec prudence. «Il aurait été très compliqué pour Alger de ne pas donner suite à la demande des élus, au regard de la charge symbolique de cet anniversaire. Mais il est vrai que maintenir ainsi le lien est quelque chose de positif», confie-t-on au Quai d’Orsay. Côté algérien, la venue d’une délégation française et la délivrance de visas à ses membres sont perçues comme un geste fort.
Une source diplomatique locale y voit «un signal positif fort» adressé à Paris. Lors de son séjour en Algérie, cette délégation française composée de parlementaires (sénateurs et députés) sera reçue par le président Tebboune. Alors que la crise diplomatique entre la France et l’Algérie s’enlise, des élus, parmi lesquels Danielle Simonnet (ex- LFI) ou Belkhir Belhaddad (ex-Renaissance), le député socialiste et président du groupe d’Amitié France-Algérie à l’Assemblée nationale Laurent Lhardit, la députée socialiste Fatiha Keloua Hachi et le président du groupe communiste à l’Assemblée nationale Stéphane Peu. Plusieurs sénateurs seront aussi du voyage, comme les centristes Raphaël Daubet, Sophie Briante Guillemont ou Ahmed Laouedj, le socialiste Adel Ziane ou le divers-gauche Akli Mellouli.
Ils seront accompagnés d’une vingtaine d’élus locaux, dont plusieurs membres du Cercle Emir Abdelkader-regroupant des intellectuels franco-algériens – comme Rafik Temghari, par ailleurs élu à Rueil – Malmaison, dans les Hauts-de-Seine. Malgré ces tensions, des élus français souhaitent, «dans le cadre de l’amitié franco-algérienne et du travail de mémoire», honorer les victimes de la répression sanglante par la France des manifestations indépendantistes du 8 mai 1945, a indiqué le député (PS) Laurent Lhardit, président du groupe d’amitié France-Algérie. Alors que la France, avec les Alliés, célébrait la victoire sur le nazisme, des manifestations indépendantistes ont éclaté à Sétif, Guelma et Kherrata, trois villes de l’Est algérien. Les militants nationalistes ont alors été réprimés brutalement par les forces coloniales. Les Algériens évoquent 45.000 victimes. En 2020, le président Tebboune a décidé d’instaurer, chaque 8 mai, une «journée de la Mémoire en reconnaissance des énormes sacrifices consentis par le peuple algérien lors des massacres du 8 mai 1945 et du déclenchement de la guerre de Libération nationale le 1er Novembre 1954». Ce déplacement intervient alors que la crise diplomatique entre la France et l’Algérie est au point mort. Les discussions ne semblent pas avoir avancé depuis l’expulsion de 12 agents de l’ambassade de France et l’expulsion, par réciprocité, de 12 agents du réseau consulaire algérien en France. «À ce stade, la situation est bloquée et c’est la responsabilité des autorités algériennes», a déclaré mardi sur RTL le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
Sabrina Sebaïhi, députée écologiste, vice-présidente du groupe d’amitié France-Algérie, fait partie de la délégation. «Aujourd’hui, nous y allons dans une démarche de reconnaissance, de main tendue. Je pense qu’il est venu le temps où la France doit aussi pouvoir regarder son passé en face», plaide-t-elle. «Là où le gouvernement est peut-être bloqué, la diplomatie parlementaire, elle, continue de fonctionner», a relevé la députée écologiste Sabrina Sebaïhi. Elle précise que «des deux côtés, il y avait cette volonté que cette délégation se fasse», soulignant que «des visas ont été attribués, et que l’Algérie a donné son feu vert aux élus français». Pour le sénateur centriste du Lot Raphaël Daubet, également membre de la délégation, «reprendre le chemin du dialogue» avec l’Algérie «passe aussi par la reconnaissance de ces massacres» qui ont eu lieu à Sétif, Guelma et Kherrata. Les douze parlementaires (Fatiha Keloua-Hachi, Sabrina Sebaihi, Danielle Simonnet, Karim Ben Cheikh, Belkir Belhaddad, Sophie Briante Guillemont, Raphaël Daubet, Ahmed Laouedj, Laurent Lhardit, Akli Mellouli, Adel Ziane) expliquent que ce déplacement «s’inscrit dans le cadre du groupe de travail lancé le 8 mai 2024 visant à reconnaître officiellement les massacres commis en Algérie à Sétif, Guelma et Kherrata le 8 mai 1945».
Et d’ajouter : «Ce déplacement en Algérie doit marquer une étape dans la reconnaissance par la France de sa responsabilité dans ces crimes coloniaux». Et qu’importe le contexte de crise diplomatique avec l’Algérie, selon le socialiste Arthur Delaporte : «Il n’y a pas de lien entre la nécessité d’apaiser les mémoires et la nécessité d’apaiser des tensions diplomatiques conjoncturelles. Il s’agit d’un exercice d’amitié entre les peuples, mais aussi de reconnaissance formelle que la France n’a pas été exemplaire dans la décolonisation de l’Algérie».
Mahmoud Tadjer