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Article du Monde/ Quand la France criminalise ses fantômes coloniaux : La DZ Mafia ou la mafia des préjugés ?

L’article paru ce vendredi dans les pages du journal Le Monde, bien que technique, s’inscrit dans une tradition médiatique et judiciaire française marquée par une algérophobie structurelle et une essentialisation des menaces associées aux populations d’origine algérienne.

Cette critique élargie démontre comment les récits sécuritaires, les politiques d’extrême droite déguisées en «républicanisme», et l’héritage colonial façonnent un climat de défiance systémique envers la diaspora algérienne. Les antithèses et les exemples concrets de politiques extrémistes françaises :

L’héritage colonial et la fabrique du «péril algérien»

La criminalisation des Algériens en France n’est pas un phénomène récent : elle plonge ses racines dans l’histoire coloniale. Durant la guerre d’Algérie (1954-1962), la France a institutionnalisé la surveillance des «Nord-Africains» via la “Brigade nord-africaine” de la Préfecture de police, préfigurant les pratiques contemporaines de profilage ethnique.

Aujourd’hui, le terme «DZ Mafia» réactive ce fantasme du “danger algérien”, en associant un groupe criminel à une identité nationale (DZ = Algérie).

Pourtant, des organisations comme le “Milieu marseillais” ou les “gangs corses” ne sont jamais ethnicisées dans les médias.

Exemple concret : En 2021, l’affaire des «narcotrafiquants de la cité Bassens» à Marseille a été médiatiquement liée à l’Algérie, alors que les réseaux albanais ou locaux dominent largement le trafic. Cette focalisation sert à légitimer des politiques sécuritaires ciblées, comme les opérations «Place nette» dans les quartiers populaires, présentées comme des «luttes anti-terroristes» mais visant principalement les jeunes issus de l’immigration maghrébine.

La laïcité instrumentalisée : un extrémisme républicain

La France prétend défendre une «laïcité universelle», mais celle-ci est souvent détournée en arme contre les musulmans et, par extension, les Franco-Algériens.

Les lois interdisant les signes religieux à l’école (2004) ou le voile intégral (2010), ainsi que la récente “loi contre le séparatisme” (2021), ciblent disproportionnellement les populations d’origine algérienne. Ces mesures, présentées comme protectrices des valeurs républicaines, alimentent un climat de xénophobie d’État.

Exemple concret : En 2020, le gouvernement a dissous le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et “BarakaCity”, deux associations dénonçant les discriminations anti-musulmanes, au motif de «radicalisme». Pourtant, aucune organisation d’extrême droite (comme Génération Identitaire) n’a subi le même sort, malgré leurs appels explicites à la haine.

Le double standard judiciaire : quand l’extrême droite bénéficie de l’impunité

Alors que les actes criminels attribués à des groupes comme la DZ Mafia sont immédiatement ethnicisés et politisés, l’extrême droite française bénéficie d’une tolérance inquiétante. Les liens entre certains policiers, militaires, et des groupes néofascistes sont documentés, mais rarement sanctionnés.

Exemples : 

– L’affaire Tarnac (2008) : Des militants d’ultragauche ont été accusés de «terrorisme» pour sabotage de lignes TGV, malgré l’absence de preuves. Aucune enquête similaire n’a visé l’extrême droite, même après l’attentat de Christchurch (2019), où le tueur a salué les thèses du “Grand Remplacement” popularisées par Éric Zemmour. 

– Les violences policières : Le cas de Adama Traoré (2016), mort lors d’une interpellation, ou les mutilations lors du mouvement des Gilets jaunes, illustrent une violence d’État impunie. En revanche, les émeutes de 2023, majoritairement menées par des jeunes issus de l’immigration, ont été qualifiées de «pogroms anti-républicains» par Gérald Darmanin.

La fabrique médiatique du «problème algérien»

Les médias français entretiennent une narration anxiogène autour de l’Algérie, associant systématiquement criminalité, islam et immigration. Ce traitement contraste avec celui réservé à d’autres communautés.

Exemples :

– L’affaire Mila (2020) : Une adolescente insultant l’islam sur les réseaux a été présentée comme une «héroïne laïque», tandis que les menaces qu’elle a reçues (condamnables) ont été utilisées pour stigmatiser l’ensemble des musulmans. 

– Le traitement de l’immigration algérienne: En 2022, des articles du Figaro et de CNews ont lié l’augmentation des demandes d’asile algériennes à un «risque terroriste», sans données factuelles.

La complicité des institutions : prisons, écoles, et ségrégation socio-spatiale

Le système carcéral français, présenté dans l’article comme une victime des «narcotrafiquants», est en réalité un outil de contrôle racialisé. Les détenus d’origine maghrébine représentent 40% de la population carcérale, alors qu’ils constituent moins de 10% de la population. Cette surreprésentation découle de lois discriminatoires comme la loi Ciotti (2011), qui facilite les condamnations pour récidive, ciblant implicitement les quartiers populaires.

La prison de Vendin-le-Vieil, mentionnée dans l’article, est un projet de «quartier de haute sécurité» destiné aux détenus radicalisés. Or, 80% des personnes surveillées pour «radicalisation» sont issues de l’immigration maghrébine, souvent converties en prison, ce qui interroge la notion même de «dangerosité».

La diaspora algérienne face à l’extrémisme français : stratégies de résistance

Face à cette machine répressive, la diaspora ne peut se contenter de réactions défensives. Une contre-offensive organisée est nécessaire :

– Boycott culturel et économique : Suivre l’exemple du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) palestinien en ciblant les entreprises complices de la répression.

– Création de médias alternatifs : Contrer la désinformation via des plateformes qui donnent la parole aux concernés.

– Plaidoyer international : Saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour dénoncer les contrôles au faciès, reconnus comme systémiques par l’ONU en 2023.

– Solidarité intercommunautaire : S’allier aux autres groupes stigmatisés (Roms, musulmans, Africains) pour former un front antiraciste uni.

L’article, en essentialisant la «DZ Mafia», occulte les véritables enjeux : un État français qui instrumentalise la laïcité et la sécurité pour perpétuer un ordre colonial modernisé.

La réponse de la diaspora doit être décoloniale, c’est-à-dire liant lutte antiraciste, critique du capitalisme carcéral, et dénonciation de l’impérialisme français en Afrique. Les exemples de l’extrémisme républicain (lois sécuritaires, dissolution d’ONG, discours de haine médiatique) montrent que le combat n’est pas contre des «narcotrafiquants», mais contre un système qui criminalise l’altérité pour mieux masquer ses propres crimes.

La réaction ne sera ni «dure» ni «définitive» si elle reste isolée : elle doit être collective, transnationale, et radicalement solidaire, à l’image des luttes du “Mouvement des travailleurs arabes (MTA)” dans les années 1970. Seule une contre-narration décolonisée peut briser l’algérophobie française.

Samir Méhalla

Samir Mehalla

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