Selon le dernier rapport Global Trade Outlook and Statistics publié par le Secrétariat de l’OMC ce 16 avril, le volume du commerce mondial de marchandises devrait reculer de 0,2% en 2025 dans le contexte actuel, soit près de trois points de pourcentage de moins que dans un scénario de «faibles droits de douane».
Par Rédaction de Crésus
Cette projection repose sur la situation tarifaire en vigueur au 14 avril. Mais si les tensions commerciales s’aggravent, le commerce pourrait se contracter davantage, jusqu’à -1,5% l’année prochaine.
Bien que non directement soumis aux tarifs douaniers, le commerce des services devrait également pâtir de cette dynamique, avec une croissance mondiale désormais estimée à 4,0%, en deçà des attentes initiales.
Un avertissement solennel
La Directrice générale de l’OMC, Madame Ngozi Okonjo-Iweala, a exprimé son inquiétude face à l’incertitude persistante en matière de politique commerciale, notamment dans le conflit sino-américain :
«La récente désescalade des tensions tarifaires a temporairement soulagé les échanges, mais l’incertitude prolongée menace de freiner la croissance mondiale, avec des conséquences graves, en particulier pour les économies les plus vulnérables. Les membres de l’OMC ont aujourd’hui une occasion sans précédent de redynamiser l’organisation, d’instaurer des règles équitables et d’adapter nos accords aux réalités économiques actuelles.»
En début d’année, l’OMC tablait sur une expansion continue du commerce en 2025-2026, avec une croissance des échanges de marchandises alignée sur celle du PIB mondial et une accélération du secteur des services. Cependant, la multiplication des nouvelles barrières tarifaires depuis janvier a conduit à une révision drastique :
– Commerce de marchandises : Réduction majeure des prévisions (de +2,7 % à -0,2 %).
– Commerce de services : Légère révision à la baisse (de 4,5% à 4,0 %).
Plusieurs menaces pourraient encore aggraver la situation :
- Rétablissement des tarifs douaniers réciproques américains : Une reprise des droits de douane suspendus par les États-Unis pourrait réduire la croissance du commerce mondial de 0,6 point en 2025.
- Propagation de l’incertitude politique : Si d’autres pays adoptent des mesures protectionnistes, cela pourrait rogner 0,8 point supplémentaire, plombant le commerce mondial à -1,5%.
«Nos simulations montrent que l’incertitude politique freine significativement les flux commerciaux, réduit les exportations et affaiblit l’activité économique», souligne Ralph Ossa, économiste en chef de l’OMC. «Les tarifs douaniers ont des effets bien plus larges que prévu, souvent imprévus. Dans un contexte de tensions croissantes, une analyse lucide de ces compromis est cruciale.»
Qui souffrira le plus ?
En 2024, le commerce des marchandises avait progressé de 2,9%, surpassant la croissance du PIB mondial (2,8%) pour la première fois depuis 2017 (hors rebond post-Covid).
Mais en 2025, les disparités régionales seront marquées.
L’Amérique du Nord, épicentre des tensions commerciales, subira le choc le plus violent, tirant la croissance mondiale vers le bas. À l’inverse, l’Asie et l’Europe résisteront mieux, bien que leur contribution soit moindre que dans un scénario sans tensions tarifaires.
Détournement des échanges : La Chine et les pays les moins avancés (PMA) en première ligne
La guerre commerciale sino-américaine provoquera un détournement massif des flux commerciaux :
– Les exportations chinoises devraient bondir de 4% à 9% hors Amérique du Nord, notamment vers l’Afrique et l’Amérique latine.
– Les importations américaines depuis la Chine chuteront dans les textiles, l’habillement et l’électronique, ouvrant des opportunités pour d’autres fournisseurs (Vietnam, Bangladesh, Mexique).
Les PMA exportateurs, déjà fragilisés par leur dépendance à quelques produits de base, pourraient paradoxalement bénéficier de ce rééquilibrage, notamment dans le textile et l’électronique, où leur offre concurrence directement celle de la Chine.
Un ralentissement en cascade
En 2024, les services représentaient 26,4% du commerce mondial, leur plus haut niveau depuis 2005, avec un volume record de 8.690 milliards de dollars (+9%).
Mais en 2025, plusieurs secteurs seront touchés :
– Transport et logistique : Le recul des échanges de biens affectera les ports et aéroports.
– Voyages internationaux : Les dépenses discrétionnaires (tourisme, hôtellerie) seront compressées.
– Services intermédiaires (R&D, conseil, informatique) : La demande fléchira avec le ralentissement économique.
Projections par région :
– Europe : Leader de la croissance (+5,0% en 2025).
– Asie : +4,4% en 2025, puis rebond à +5,1% en 2026.
– Afrique et Amérique latine : Recul attendu en 2025.
Alors que le monde fait face à une fragmentation croissante des échanges, l’OMC en appelle à une relance multilatérale. Les pays en développement, déjà vulnérables, risquent de payer le prix fort.
La balle est désormais dans le camp des décideurs politiques : soit ils attisent les tensions, soit ils saisissent l’opportunité de réformer le système commercial pour le rendre plus résilient.
Références :
– OMC (2025), Global Trade Outlook and Statistics.
– Banque mondiale, FMI (analyses complémentaires sur les PMA).