Le risque grave que fait peser le phénomène dit du «doliprane challenge» sur les mineurs a fait réagir le ministère de la Santé.
Dans un communiqué, publié lundi après-midi, il fait savoir qu’il a demandé, dès le 13 avril, à ses directeurs de la santé de wilaya de «faire preuve du plus haut degré de vigilance». Une directive qui concerne aussi toutes les pharmacies du pays, appelées à la «vigilance» et à «mettre en évidence les dangers de l’usage abusif et excessif de ce médicament». Contacté hier, à ce propos, le Docteur Sami Tirache, président du Syndicat national des pharmaciens d’officine (Snapo), nous explique que les pharmaciens sont aujourd’hui pleinement conscients de la situation, tous engagés à faire face à ce risque. «La règle générale pour les pharmaciens est de toujours faire attention (…) et aujourd’hui nous serons encore plus vigilant», a-t-il affirmé. Ainsi, notre interlocuteur explique que les demandes pour tous les médicaments dérivés du paracétamol sont traitées avec la plus grande attention. «Même si l’acheteur est un adulte, s’il demande plusieurs boîtes il est nécessaire de poser des questions», mais aussi, a-t-il assuré, «de mettre en garde sur les risques encourus à conserver autant de produits chez soi. Potentiellement à la portée d’enfants». Quant à l’attitude à adopter face à un acheteur mineur, notamment un jeune adolescent, le Docteur Sami Tirache rappelle que même si le paracétamol est une molécule «qui peut être vendue librement sans ordonnance», un pharmacien «peut aussi refuser la vente». Une attitude qui sera nécessaire «au moins durant une période, le temps que ce phénomène s’estompe». La procédure suivie par les pharmaciens exclut par ailleurs la vente aux enfants. «Un pharmacien doit être en mesure d’expliquer la prise du médicament (…) Or, ce n’est pas possible avec un enfant, la présence d’un adulte est nécessaire», a-t-il relevé. En ce sens, il apparaît que les pharmacies ne sont pas forcément à l’origine de la distribution des médicaments détournés de leur usage médical. Le Professeur en pédiatrie et président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche (FOREM), Mostefa Khiati, rappelle que le paracétamol (et ses dérivés ou équivalents) est malheureusement commercialisé en dehors des officines. «C’est un produit très consommé (…) On le retrouve aussi chez des buralistes ou même dans des supérettes. Cela il faudrait l’interdire totalement», a souligné Khiati. Et par la suite, ajoute notre interlocuteur, «on espère que le contrôle sera renforcé, que l’on impose une prescription médicale (pour le paracétamol) (…) Ce serait une mesure importante». Toutefois, cette dernière mesure semble prématurée selon les déclarations du président du Snapo. «Nous espérons que ce phénomène dit du «doliprane challenge» (ou paracétamol challenge) pourra s’estomper rapidement. Surtout que la prise de conscience est maintenant très forte». Quant au rôle des parents, il reste l’élément principal face à ce phénomène apparu depuis quelques semaines sur les réseaux sociaux en Algérie, mais bien plus ancien dans le monde, signalé dès 2024 aux États-Unis. Ainsi, le Professeur Khiati appelle à la responsabilité face aux dérives et dangers des réseaux sociaux pour les plus jeunes. «Il faut comprendre que ce n’est pas un produit anodin, c’est un médicament qui a ses effets secondaires (…) Le rôle des parents est pour moi le plus important, leur responsabilité est même engagée légalement selon la loi de 2015 portant sur la protection de l’enfance», a-t-il soutenu. La négligence face à une prise de médicament sans nécessité peut en effet être fatale. «La prise abusive de paracétamol peut entraîner un déficit hépatique, le coma et même une mort brutale si l’on dépasse une certaine dose», avertit Khiati.
Nadir K.