Par Samir MÉHALLA
Quand on observe les propositions récentes de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur français, on se demande si la France n’a pas définitivement sombré dans la paranoïa autoritaire.
Fouillles de téléphones des personnes en situation irrégulière ? Criminaliser le séjour irrégulier comme un délit ? Remettre en cause le droit du sol et exiger des «preuves d’amour» avant d’accorder la nationalité ou le mariage mixte ?
Quelle régression ! Quelle honte pour un pays qui se targue d’être le berceau des droits de l’Homme.
Pendant que l’Algérie, souvent stigmatisée à tort par les mêmes donneurs de leçons, ne songerait même pas à légiférer sur de telles absurdités liberticides, la France s’enfonce dans un délire sécuritaire qui rappelle les heures les plus sombres de son histoire. Sous couvert de «lutte contre l’immigration irrégulière», c’est une véritable chasse aux sorcières qui se met en place, où la vie privée des individus devient un simple dossier à éplucher, où l’arbitraire policier se normalise, et où l’on exige des allégeances dignes d’un régime autoritaire.
Comment en est-on arrivé là ?
La réponse est simple : la France est un pays intellectuellement épuisé, politiquement à court d’idées, économiquement fragile, et socialement fracturé. Incapable de proposer un projet de société attractif, elle se réfugie dans la répression, la stigmatisation et le repli identitaire.
Au lieu de s’attaquer aux vraies causes de la crise migratoire – les inégalités mondiales, les guerres qu’elle a souvent contribué à alimenter, les désastres économiques post-coloniaux –, elle préfère criminaliser les victimes de ces désordres. Au lieu d’assumer ses propres contradictions, elle exige des migrants qu’ils prouvent leur «mérite» et leur «amour» pour une nation qui, elle, ne leur offre que méfiance et exclusion.
Quelle ironie de voir ce même État, qui se prétend garant des libertés, proposer des mesures dignes d’une dictature ! En Algérie, en Tunisie… de telles propositions soulèveraient des tollés, des mobilisations massives. Mais en France, sous le prétexte fallacieux de la «sécurité», on normalise la surveillance généralisée, on banalise la xénophobie d’État.
Et pendant ce temps, le gouvernement organise de grands «débats» sur «qu’est-ce qu’être français», comme si la nationalité se réduisait à un formulaire administratif ou à une déclaration d’amour forcée.
La France ne méritera plus son statut de pays des Lumières si elle continue sur cette voie.
La France n’est plus un modèle. Elle est devenue le symbole d’un Occident vieillissant, crispé sur ses peurs, obsédé par le contrôle, et incapable de se réinventer. Les propositions de Retailleau ne sont pas seulement liberticides – elles sont le symptôme d’un pays en pleine déliquescence, qui préfère la répression à la raison, la discrimination à l’intelligence, la peur à l’humanité.
Quand l’État se transforme en machine à exclure, à surveiller, à humilier, il ne mérite plus le nom de République. Il devient simplement un instrument de terreur légale. Et cela, aucun discours sécuritaire ne pourra le justifier.
S.M.