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Biens mal acquis : La France décide de coopérer avec l’Algérie

   La France a longtemps servi de terre d’accueil pour nombre d’hommes d’affaires ayant acquis des biens immobiliers ou ouvert des comptes bancaires.

 

 

 

Avec le réchauffement des relations bilatérales entre les deux pays à la suite de la visite, avant-hier, du ministre français des Affaires étrangères, Jean Noël Barrot, la coopération en matière judiciaire et fiscale va être relancée, et suivie d’effet, selon les propos de Barrot.  Il a ajouté, lors de sa conférence de presse, que dans le domaine de la coopération judiciaire, il a confirmé au président Tebboune la visite prochaine du Garde des Sceaux, laquelle s’accompagne de la reprise du dialogue judiciaire entre les deux pays. «Nous avons beaucoup d’enjeux de coopération, notamment sur les conditions d’exécution rogatoire sur le dossier sensible des biens mal acquis», a-t-il relevé. «J’ai évoqué, et le Garde des Sceaux aura l’occasion de le préciser, l’invitation par les services en charge du Parquet national financier à leurs homologues algériens de juridiction compétente à se rendre à Paris pour étudier tous les dossiers», a-t-il précisé.

Les autorités françaises ne pouvaient ignorer ces pratiques et ont fermé les yeux, gardant bien au secret les avoirs dissimulés sur leur sol. En 2020, la justice algérienne a demandé une entraide judiciaire à la France afin d’établir le patrimoine réel d’une dizaine de ses ressortissants. «Les informations demandées sont bien plus larges que les aspects fiscaux», a-t-on indiqué à Paris. Dans le cadre des efforts déployés pour la récupération d’au moins une partie de ce patrimoine, l’Algérie a sollicité en 2022 l’aide de la justice française. Le président Tebboune considère qu’il a les mains libres pour tenter de récupérer les biens mal acquis en France. Selon une enquête de l’hebdomadaire français Le Point, les informations demandées «sont bien plus larges que les aspects fiscaux».

En attendant le feu vert de la justice…

 

Plus récemment, il affirmait : «Pour ce qui est de la récupération des fonds détournés, nous sommes dans l’attente du feu vert de la justice, qui n’a pas encore statué sur tous les dossiers et établi les montants détournés. Les fonds détournés se trouvent à l’intérieur du pays ainsi que dans d’autres endroits, comme Genève, ou dissimulés dans des pays réputés pour leurs facilitations fiscales. Une fois ces dossiers définitivement clos par la justice, nous allons entamer les procédures nécessaires, soit par le biais d’avocats algériens ou étrangers, ou par l’activation des conventions conclues avec ces pays. Ces fonds seront indubitablement récupérés et ça se fera par le biais de la justice». Selon les statistiques des notaires de Paris, entre 2010 et 2014, «près d’un bien sur dix (appartement ou maison) acquis en Ile-de-France par un étranger l’est par un Algérien». Une enquête menée par deux reporters français et publiée dans un livre «Paris-Alger, une histoire personnelle» a donné quelques noms ainsi que les sommes astronomiques qui ont été versées pour l’acquisition de ces biens. Ils citent notamment le cas de l’ancien ministre Abdessalem Bouchareb, résidant actuellement en France ayant joué un rôle-clé dans les affaires de corruption et condamné par contumace dans quatre procès successifs. Il aurait ainsi, selon cette source, acquis en 2006, deux lots au 1er étage d’une surface de 156 m2, dans un quartier prisé de Paris, d’une valeur de 1.180.000 euros. Aujourd’hui, le bien immobilier du ministre est évalué à plus de trois millions d’euros.

L’autre nom qui a circulé est celui de Rym Sellal, la fille du Premier ministre Abdelmalek Sellal, actuellement sous les verrous. Le 27 avril 2007, Rym, 28 ans à l’époque, achète un appartement aux Champs-Elysées pour la modique somme de 860.000 euros. «Le document notarié ne fait apparaître aucun prêt bancaire, mais précise que 50.000 euros ont été versés avant ce jour et hors comptabilité de l’étude notariale», lit-on dans l’enquête menée par les auteurs du livre. Dans ce qui s’apparente à un Monopoly parisien, l’ancien SG du FLN et ex-président de l’APN, Amar Saadani, aurait lui aussi succombé au charme de la ville, choisissant l’un des hauts-lieux de la bourgeoisie parisienne, Neuilly-sur-Seine, pour domicile. «Saadani est bien propriétaire d’un appartement à Neuilly, qu’il utilise lors de ses déplacements en France, mais il est occupé par l’une de ses filles», raconte l’avocat du patron du FLN, Jean-Yves Dupeux, qui s’occupe bien des affaires de l’ex-SG du FLN.

Selon l’acte de vente, «Amar Saadani a entamé en son nom propre les premières démarches avec le vendeur avant de constituer une SCI plus discrète».  La France s’est dotée d’un dispositif opérationnel de restitution des «biens mal acquis», administré par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, via la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Quelque quarante-trois demandes de commissions rogatoires pour le recouvrement de biens mal acquis qui se trouvent en France ont été introduites auprès de la justice française.

L’Algérie et la France sont liées par une convention bilatérale d’entraide judiciaire en matière pénale. Cette convention a été signée à Paris le 5 octobre 2016 et a été ratifiée ensuite par l’Algérie le 25 février 2018. Cet accord a permis de mettre en place un cadre juridique commun pour le traitement des affaires de spoliation de ressources publiques. Dans l’article 1er de ce texte, il est clairement indiqué que son domaine d’application s’étend à l’exécution des décisions de confiscation et le recouvrement des avoirs. Cette assistance technique marque sans doute un tournant dans la coopération judiciaire entre Alger et Paris.

 

Mahmoud Tadjer

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