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Les victimes et les bourreaux

Les échos des souffrances passées résonnent inlassablement à travers le prisme du temps, comme le murmure d’un fleuve emportant les larmes des générations, immémoriale rivière de douleur.

Victimaires éternels, ces âmes tourmentées évoquent, avec une mélancolie poignante, les sinistres souvenirs d’Auschwitz, ce lieu de déshumanisation et d’effroi, quatre-vingts années après l’horreur.

La Shoah, ce génocide monstrueux, est une incise indélébile dans les annales de l’humanité, une plaie béante où s’entrelacent les destins tragiques des Juifs, refoulés dans l’abîme de l’oubli par les ordures de l’Histoire.

Les chambres à gaz et les fours crématoires, ces dispositifs infernaux de l’inhumanité, sont convoqués par les témoins du passé. Les nazis, dans leur folie meurtrière et leur quête d’un monde purifié, ne fabriquaient pas seulement de la graisse humaine, mais également des souvenirs en lambeaux, des vies brisées, des rêves anéantis…

Ils ont construit des camps de concentration et d’extermination où se mêlent les cris de douleur de femmes et d’enfants, où l’innocence fut découpée avec la précision d’un scalpel, laissant derrière elle le sang, la souffrance et le désespoir.

Ce qu’a fait exactement la France en Algérie. Dans cette grande commémoration qui rassemble le monde occidental, les Français, les Espagnols, les Danois, les Américains, tous se pressent autour de la mémoire des victimes avec une ferveur presque religieuse. Ils pleurent ces âmes perdues tout en arborant le manteau des dignes victimaires, vêtus du paradoxe de la compassion tout en se drapant dans l’insouciance des injustices contemporaines.

Pourtant, où est passé l’actuel bourreau sioniste, ce nouvel avatar du mal qui, autrefois, s’est paré du costume de la victime avant de s’immiscer dans le rôle du bourreau à Gaza ? Il s’affaire à négocier avec Trump, les mains plongées dans un pot de miel trouble, ourdissant un nettoyage ethnique pour vider Ghaza de ses enfants, comme un faucon guettant sa proie, prêt à s’emparer de tout ce qui demeure de l’humanité.

Dans ce contexte sordide, Ghaza devient le champ de bataille d’une terre que l’on souhaite se partager, à l’ombre des négociations avec l’Égypte et la Jordanie, des nations qui, par principe, refusent d’accueillir ceux qui souffrent sur leur terre natale.

Ces manigances se trament sous le regard, atterré et impuissant, des naïfs aisément étiquetés comme des «idiots», adroits stéréotypes ridicules utilisés par ceux qui ont oublié cette part essentielle de l’humanité. Sous le prisme de l’indifférence, le drame humain se double d’une ironie mordante, une tragédie que l’on refuse de voir dans le miroir déformant de la mémoire collective.

Et, regrettant avec un rare prestige, les Allemands, conscients de leur héritage hitlérien, naviguent dans les flots tumultueux de leur passé.

Ils ne se dérobent guère à leurs responsabilités. Ils assument, à leur manière, la lourde culpabilité qui pèse sur leurs épaules. Leur silence parle d’une douleur collective, d’un engagement à ne pas laisser la mémoire se dissoudre dans les brumes de l’oubli.

À ce tableau complexe se greffe une autre nuance par contre épousant le même contexte, celle de l’Algérie, dont la quête mémorielle se heurte à un mur d’indifférence et de mépris. Elle n’a pas le droit d’évoquer son vécu face à la puissance française, car toute revendication est taxée de scandale et de rente politique.

La France, ce pays aux visages multiples, se démarque par une volonté rigide de préserver ses intérêts, considérant les échos de sa propre mémoire comme une rente qu’elle gère au gré des caprices de son fils maudit, Emmanuel Macron.

Ainsi, ce jeu tragique de la mémoire s’épanouit dans un monde où les victimes deviennent des bourreaux, où l’indignation sélective s’impose comme le cri d’alarme des sociétés modernes.

Plus qu’un simple regard sur le passé, c’est une exhortation à la conscience collective, une invitation à restaurer l’équilibre entre mémoire et justice, entre culpabilité et responsabilité, entre douleur individuelle et quête d’une rédemption qui ne peut tarder à se frayer un chemin à travers les remous tumultueux de l’Histoire.

Dans cette dialectique sinueuse entre victimes et bourreaux, il est essentiel de ne pas oublier que seule l’empathie, la reconnaissance et la réparation véritables peuvent ouvrir la voie vers un avenir apaisé, libéré des chaînes des souffrances du passé.

Samir Méhalla

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