Le contrôle de plusieurs quartiers en Nouvelle-Calédonie « n’est plus assuré », a reconnu hier le représentant de l’État dans l’archipel français du Pacifique Sud, Louis Le Franc. Même s’il a estimé la situation « plus calme » après quatre nuits d’embrasement contre la réforme électorale et un bilan de cinq morts. « Des renforts vont arriver (…) pour contrôler les zones qui nous ont échappé ces jours derniers, dont le contrôle n’est plus assuré », a poursuivi le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc. Après trois nuit d’émeutes, commencées en réaction au dégel du corps électoral voté à l’Assemblée nationale dans la nuit de mardi à mercredi, le mouvement de contestation a tout de même été « plus calme » la nuit dernière. Cependant, l’incendie d’une école et de deux entreprises est à déplorer, a-t-il précisé. Et en raison des barrages routiers érigés par les émeutiers, des problèmes d’approvisionnement subsistent pour les commerces du « Caillou ». Quant à l’hôpital excentré de la capitale, il reste totalement inaccessible. Les ambulances qui transportent les urgences vitales doivent slalomer entre les voitures brulées et les barricades, risquant au passage d’être prises à partie par des émeutiers. L’établissement se situe dans un des quartiers « hors de contrôle » de l’État, où des affrontements ont eu lieu cet après-midi (heure locale), rapporte notre correspondante sur place, Charlotte Mannevy. Le Haut-commissaire a décrit ces quartiers comme « des zones où il y a plusieurs centaines d’émeutiers qui n’attendent qu’une seule chose, c’est le contact avec les forces de l’ordre, pour maintenir leurs positions ». Près d’un millier d’effectifs de sécurité intérieure, notamment des policiers et des gendarmes, sont arrivés sur le Caillou dans la nuit de jeudi à vendredi, s’ajoutant aux 1 700 membres des forces de l’ordre déjà sur place. Ces renforts devraient permettre de rétablir le contrôle sur trois zones de l’agglomération de Nouméa, peuplés majoritairement d’autochtones.
Réunion annulée
Malgré une décroissance des violences observée dès mercredi, la situation « reste très tendue, avec des pillages, des émeutes, des incendies, des agressions qui sont évidemment insupportables et inqualifiables », avait estimé le Premier ministre Gabriel Attal jeudi à Paris. Le chef du gouvernement a promis « les sanctions les plus lourdes contre les émeutiers et les pillards ». Il doit recevoir vendredi les comités de liaison parlementaires sur la Nouvelle-Calédonie pour un « échange » sur la crise. De son côté, Gérald Darmanin, a informé que les forces de l’ordre ont procédé à de nombreuses interpellations et « dix leaders mafieux » de la Cellule de Coordination des Actions de Terrain (CCAT), la mouvance indépendantiste la plus radicale, ont été assignés à résidence. Cette organisation « est mafieuse, violente, commet des pillages, des meurtres » et n’est « pas politique », a accusé le ministre de l’Intérieur, interrogé sur France 2 jeudi. La délégation Kanak de la CCAT, actuellement à Paris, a tenu une conférence de presse jeudi. Dominique Fochi, le secrétaire général de l’Union calédonienne, a renvoyé au gouvernement qu’il « ne souhaite pas répondre à la provocation, la situation du pays est trop grave pour cela ». Avant d’embrayer sur d’éventuelles négociations pour tenter de débloquer la situation : « On est prêts à faire des concessions. Mais il faut que l’on se comprenne mutuellement, que l’on s’écoute et que l’on nous écoute ». Une visioconférence proposée par le président Emmanuel Macron aux élus calédoniens n’a pas pu se tenir jeudi, les « différents acteurs ne souhaitant pas dialoguer les uns avec les autres pour le moment », selon l’Élysée qui a assuré jeudi soir que ces discussions devraient intervenir vendredi. Romuald Pidjo, de la délégation Kanak de la CCAT à Paris, tente d’expliquer la colère incontrôlable des jeunes des quartiers populaires de Nouméa. « Ce sont des gens qui sont très défavorisés, des laissés-pour-compte. Et qu’est-ce qu’ils voient, tous ces gens, tous les jours ? Ils voient des gens qui viennent de métropole, qui ont des grosses bagnoles. Et eux, ils n’ont rien ! La goutte d’eau qui a fait déborder ce vase, c’est justement ce projet de loi constitutionnel où l’état va dire : ‘on va continuer à amener des gens qui vont vous écraser, qui vont tout prendre dans ce pays’. »