Ils seraient en effet 36.000 médecins généralistes et 18.000 médecins spécialistes à être formés en Algérie et partis exercer ailleurs selon le ministre de la Santé, Abdelhak Saihi. D’autres sources assurent néanmoins qu’il y aurait plus de 15.000 médecins formés en Algérie qui exercent en France. Jusqu’en février 2022, sur 2.000 médecins étrangers retenus à l’issue de l’examen de validation des diplômes, 1.200 étaient des Algériens.
« C’est une saignée pour le système de santé et pour tout le pays », se sont à maintes fois, alarmés les spécialistes de la santé publique en Algérie exprimant « leurs vives préoccupations quant au phénomène de la fuite des médecins algériens à l’étranger pour y poursuivre leur carrière, essentiellement en France ». A ce nombre, s’ajoutent ceux qui choisissent d’autres pays comme ceux du Golfe. « Le nombre de médecins qui rejoignent la France a augmenté d’une manière vertigineuse. La situation a atteint la côte d’alerte et devient inquiétante », relève de son côté le professeur Rachid Belhadj dans une vidéo postée par le site 37 Degrés. Pour appuyer ses dires, le président du Syndicat des professeurs et chercheurs universitaires a fait savoir que le service d’ophtalmologie du CHU Mustapha Pacha s’est retrouvé avec seulement 4 médecins et celui de la réanimation médicale assure avec 3 praticiens. Mais qu’est-ce qui expliquerait cette hémorragie, « un véritable drame national », sachant que certaines régions d’Algérie souffrent d’un cruel déficit de thérapeutes ?
« Il existe une espèce de désespérance ambiante parmi les médecins qui sortent des Facultés de médecine, qui les incite de ce fait à aller sous d’autres cieux pour y pratiquer leur spécialité. Cette situation est nourrie par le devenir incertain de ces médecins, auquel s’ajoutent les facteurs de vie professionnelle, autrement dit les opportunités de progression de carrière, des salaires ou de la position du médecin vis-à-vis de la société», déplorait récemment Dr. Bekkat Berkani président de l’ordre des médecins algériens.
En effet, le gouvernement français n’hésite pas à mettre la main dans la poche afin de « recruter » les patriciens algériens sachant que les salaires qui leur sont proposés oscillent entre 5000 et 8000 euros par mois. « Nous, on est restés spectateurs face à cet état de fait », s’écrie Rachid Belhadj. Pour lui, « l’Algérie doit bouger pour tenter de mettre fin à cette fuite des médecins », notant dans la foulée que le syndicat qu’il préside avait déjà formulé certaines propositions dans ce sens. Il est ainsi préconisé de faire des efforts pour améliorer la situation socioprofessionnelle des praticiens de la santé en Algérie, à commencer par l’augmentation des salaires. Il recommande également des avantages et facilités pour accéder au logement et autres commodités nécessaires pour la vie quotidienne.
«Ce n’est pas normal que pour acheter une voiture, le médecin se retrouve dans l’obligation de se procurer une licence de Moudjahid afin de procéder à l’importation », a-t-il regretté. Le Dr. Ilyes Akhamouk, chef de service des maladies infectieuses au niveau de l’Etablissement public hospitalier de Tamanrasset avait lui aussi, appelé précédemment, à « agir vite » avec des mesures incitatives pour garder cette « matière grise » au niveau national. « Il faut agir vite, non pas pour arrêter l’exode de nos médecins vers l’étranger, mais pour limiter cette hémorragie», insiste le Dr Akhamoukh relevant qu’en dépit de l’amélioration des conditions globales de travail dans les établissements hospitaliers, « le manque de moyens et de prise en charge démotivent nos médecins dans la plupart des villes algériennes » A l’intérieur du pays, nous avons une carence de moyens techniques. Des radiologues ne veulent pas travailler dans certaines villes à cause de l’absence d’IRM. Car, travailler des années durant sans matériels, c’est perdre sa formation », avait-il noté énumérant d’autres contraintes socio-économiques à l’instar des problèmes de logement, de rémunération, de transport…
Yacine Ouffella