En Algérie, cette rencontre prend une nouvelle dimension à l’ère numérique, alors que les réseaux sociaux et les applications spécifiques transforment la manière dont les fidèles vivent et célèbrent ce mois sacré. Les réseaux sociaux jouent un rôle de premier plan dans cette transformation. Des plateformes telles que Facebook, Twitter, Instagram et TikTok permettent aux Algériens de partager leur expérience du Ramadhan, de diffuser des messages de spiritualité et de solidarité, et de créer des groupes mondiaux unis dans la pratique religieuse. Les hashtags dédiés au Ramadhan deviennent viraux, incitant les utilisateurs à partager leurs réflexions, leurs expériences et leurs conseils sur la façon de vivre ce mois saint de manière significative. En parallèle, les applications spécifiques au mois sacré offrent des outils pratiques pour faciliter l’observation du jeûne et la prière. Des applications de suivi du jeûne permettent aux utilisateurs de suivre leur horaire de repas et de prière, tandis que d’autres fournissent des lectures du Coran. Ces applications offrent également des ressources pour approfondir la compréhension spirituelle du mois saint. Cependant, cette numérisation du Ramadhan n’est pas sans défis. Certains craignent que l’omniprésence des réseaux sociaux ne détourne l’attention des aspects spirituels du Ramadhan, transformant la pratique religieuse en une quête de validation sociale. De plus, la surabondance d’informations en ligne peut parfois conduire à la confusion et à la désinformation, ce qui nécessite une vigilance accrue de la part des utilisateurs pour discerner les sources fiables et authentiques. Dans une déclaration accordée à « Crésus », le sociologue Fawzi Bendrid a indiqué que l’utilisation croissante et généralisée des réseaux sociaux à l’échelle mondiale a certainement un impact sur les comportements et les valeurs sociales. Selon lui, en Algérie, comme dans d’autres pays arabes et musulmans, les jeunes échangent beaucoup de contenus religieux, principalement pendant le mois sacré du Ramadan. « Cette tendance n’est pas unique à l’Algérie, mais elle est répandue dans la région. Les événements sociaux, politiques ou culturels suscitent des réactions différentes selon les contextes et les communautés », a-t-il expliqué. Et d’ajouter : « Par exemple, lors des événements à Gaza, on a observé une forte réaction initiale suivie d’un certain apaisement. Les sociétés réagissent aux changements et aux événements en fonction de leurs dynamiques internes et des contextes changeants ». Pendant le Ramadan, poursuit notre interlocuteur, il y a une tendance à se tourner vers le spirituel, « ce qui peut entraîner un surcroît temporaire d’interactions sociales et de partages en ligne ». Bendrid a souligné que les rituels traditionnels ont subi une transformation significative à l’ère des nouvelles technologies et des médias. Cette évolution marque un changement profond dans les dynamiques sociales et religieuses, avec des répercussions à la fois positives et négatives. L’un des changements les plus notables, explique-t-il, est la manière dont les interactions sociales se sont métamorphosées. Les visites nocturnes traditionnelles, où les familles et les amis se réunissent pour partager des repas et des moments de spiritualité, ont été influencées par la montée en puissance des réseaux sociaux et des technologies. « Les discussions en face-à-face sont parfois remplacées par des échanges virtuels. Cette transition a contribué à une certaine fragmentation des relations sociales, avec une tendance croissante vers l’individualisme ». Parallèlement, poursuit le professeur en sociologie, « l’éducation des enfants au jeûne a également évolué. Autrefois transmise principalement par des interactions directes et des exemples familiaux, cette éducation intègre désormais souvent des ressources en ligne et des applications mobiles conçues pour enseigner les pratiques religieuses et faciliter l’apprentissage des jeunes générations ». Pourtant, dit-il, cette évolution présente également des aspects positifs. « Les nouvelles technologies offrent la possibilité de découvrir de nouvelles pratiques religieuses et spirituelles ». D’après lui, les plateformes en ligne regorgent de ressources éducatives, de conférences virtuelles et de discussions théologiques qui enrichissent l’expérience spirituelle de nombreux croyants. « De plus, les communautés en ligne permettent aux musulmans du monde entier de se rassembler, de partager leurs expériences et de renforcer leurs liens, transcendant ainsi les frontières géographiques et culturelles ». En fin de compte, le Ramadhan à l’ère numérique témoigne de la capacité de la technologie à enrichir les pratiques religieuses tout en préservant les valeurs et les traditions qui leur sont associées. Alors que les musulmans du monde entier continuent d’embrasser les possibilités offertes par la technologie, le mois saint reste un moment de dévotion, de renouveau spirituel et de connexion avec Dieu et avec autrui.
Assia Mekhennef